Aux confins de l’Alentejo, dans le centre du Portugal, un éleveur de bovins qui a déjà perdu vingt vaches depuis la fin de l’été, regarde avec tristesse la prairie jaunie par le soleil où paissent ses bêtes et désespère de voir tomber la pluie.
« Je n’ai jamais vu une sécheresse pareille », confie impuissant Antonio Granadeiro, un éleveur de 64 ans du village d’Alpalhão, à une trentaine de kilomètres de la frontière espagnole, devant des mares à sec, au sol dur et craquelé.
« Je consulte tous les jours la météo, en espérant qu’il va enfin pleuvoir, mais je n’y crois plus », maugrée cet homme brun au visage marqué, en enchaînant les cigarettes.
« Regardez! », lance-t-il en montrant le lit sec de la petite rivière Figueiro, un affluent du fleuve Tage qui coule à l’extrémité de son terrain.
« Je n’ai jamais vu ça. Pas une goutte d’eau! », constate avec désespoir l’éleveur qui doit abreuver ses quelque 800 bêtes en acheminant de l’eau par camion-citerne.
« Mais mon principal souci, c’est nourrir mes bêtes. J’avais acheté du foin pour tenir jusqu’en février. Mais les stocks sont presque vides », assure-t-il.
Comme les vaches n’ont plus rien à brouter, Antonio Granadeiro est forcé de puiser dans son stock de fourrage hivernal, qui est aujourd’hui bien entamé.
« J’ai déjà perdu 20 bêtes, attaquées par des tiques », déplore-t-il. Même si le lien avec la sécheresse n’a pas été formellement établi, pour lui cela ne fait pas de doute. « Les terrains sont secs si bien que les tiques ne meurent pas et continuent de propager des maladies. »
Un agriculteur voisin, Joao Curvo, fait le même constat: « C’est une année totalement différente! On est en T-shirt. Normalement à cette époque de l’année, nous sommes bien plus couverts ».
« Regardez ces olives! Beaucoup ont mûri début octobre, alors que d’habitude cela a lieu plutôt fin novembre, mais ce n’est pas le cas pour d’autres », se désole-t-il.
Les olives mûres qui ne sont pas cueillies « tombent et se dessèchent rapidement. Ensuite, elles ne peuvent plus être ramassées », dit-il.
Alors pour tenter de sauver la récolte, il a dû se résoudre à les cueillir plus tôt que d’habitude.
« Mais il va falloir faire un deuxième passage mécanique ou bien alors terminer la récolte à la main, en battant les oliviers avec un bâton pour faire tomber les dernières olives. Cela va nous prendre le double du temps », soupire-t-il.
Comme l’Alentejo, l’ensemble du territoire continental portugais est frappé d’une sécheresse « sévère » ou « extrême », selon l’institut météorologique national. Le pays a connu le mois d’octobre le plus chaud depuis 1931, date des premières données comparables.
Cette situation a conduit à un assèchement des sols, qui s’est encore accentuée début novembre, particulièrement dans le sud du pays, où la teneur en eau est passée sous la barre des 20% par endroits.
« Le problème de cette sécheresse c’est qu’elle aura des répercussions au-delà de cette année », explique à l’AFP Fremelinda Carvalho, présidente de l’Association des agriculteurs du district de Portalegre (centre), qui représente quelque 3.800 professionnels de la région.
« L’année dernière déjà il y avait eu très peu d’eau. Les réserves sont en train de disparaître », ajoute-t-elle précisant qu’il faudrait qu’il pleuve longtemps pour retrouver les niveaux des années précédentes.
La sécheresse affecte même l’approvisionnement en eau des populations. À Viseu, ville située à 300 km au nord de Lisbonne, la situation est critique. Une noria de cent camions-citernes transporte depuis ce week-end de l’eau d’un barrage situé à une soixantaine de kilomètres à la retenue d’eau qui alimente cette commune de près de 100.000 habitants.
« C’est une situation dramatique », s’exclame Fremelinda Carvalho. « Je n’ose même pas imaginer qu’il ne pleuve pas dans les prochains jours! ».
R.B avec AFP
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