BIEN-êTRE

Pour développer le cerveau de bébé, lisez-lui les bons livres aux bons moments

décembre 20, 2017 8:15, Last Updated: mars 18, 2021 0:16
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Aux États-Unis, diverses initiatives comme le programme Reach Out and Read fournissent des livres aux parents lors de leurs visites de suivi chez le pédiatre, et de nombreux professionnels de l’éducation et de la santé soulignent l’importance de lire des histoires à ses enfants pour accompagner leur développement.

Ce message est bien reçu par les parents, conscients de l’importance de cette habitude. Un rapport de synthèse du centre de recherche Child Trends, par exemple, indique que 55 % des 3-5 ans avaient droit à leur histoire quotidienne en 2007. D’après le ministère de l’Éducation américain, ce rituel familial avait lieu au moins trois fois par semaine en 2012 pour 83 % des enfants de cette tranche d’âge.

Mais ce que cette recommandation ne nous dit pas, c’est que le contenu peut être tout aussi important que la pratique elle-même. Tous les ouvrages se valent-ils dans la découverte du langage, ou votre choix fait-il une différence ? Les meilleurs livres pour bébés sont-ils les mêmes que pour les tout-petits ?

Pour aider les parents en quête de la meilleure expérience de lecture pour leur progéniture, mon laboratoire de recherche en psychologie a mené une série d’études sur l’apprentissage des bébés. L’un de nos objectifs était de mieux comprendre l’impact de la lecture partagée sur le développement cognitif et comportemental.

Même les plus petits aiment qu’on leur fasse la lecture. (Maggie Villiger, CC BY-ND)

Quel livre de chevet pour bébé ?

Les chercheurs s’accordent sur les bienfaits de cette lecture partagée pour le développement de l’enfant. Leur lire des histoires dès le plus jeune âge a un impact positif sur leur développement cognitif et langagier : vocabulaire plus étendu, amélioration des compétences qui faciliteront l’entrée en lecture, et progrès dans l’apprentissage conceptuel.

Ces temps de partage améliorent aussi fréquemment la qualité de la relation parent-enfant en favorisant les interactions réciproques. Enfin, cette pratique vous assure un moment de tendresse quotidien, ce qui n’est pas à négliger !

Des études récentes ont montré que la qualité et la quantité de la lecture partagée avec un petit enfant influait sur la richesse de son futur vocabulaire, ses compétences en lecture et sa capacité à écrire son prénom. En d’autres termes, plus les parents lisent de livres différents et y consacrent de temps, plus les avantages seront nets chez l’enfant de quatre ans.

Cette découverte majeure est l’une des premières à mesurer les effets positifs de l’introduction de la lecture dès le plus jeune âge. Mais de nombreuses questions restent en suspens, notamment sur le type d’ouvrages les plus à même de susciter des interactions plus riches et un meilleur apprentissage.

Les casques EEG permettent aux chercheurs d’enregistrer l’activité cérébrale de leurs petits sujets. (Matthew Lester, CC BY-ND)

Bébé au labo

Dans le cadre de notre enquête, mes collègues et moi-même avons suivi des enfants en bas âge tout au long du deuxième semestre de leur vie. Lorsque leurs parents leur montraient des livres où figuraient des visages ou des objets nommés individuellement, ils apprenaient davantage, généralisaient ces acquis à de nouvelles situations et montraient des réponses cérébrales plus spécialisées. Ce n’était pas le cas des livres qui ne comportaient aucune légende, ou une légende commune pour chaque image. L’apprentissage dès la petite enfance débouchait également sur des bénéfices au bout de quatre ans.

Notre étude la plus récente sur le sujet, financée par la National Science Foundation, vient d’être publiée dans la revue Child Development. En voici les grandes lignes.

Lors d’une première étape en laboratoire, nous avons observé le niveau d’attention prêté par des enfants de six mois à des personnages qui leur étaient inconnus. Les réactions de leur cerveau étaient mesurées par électroencéphalographie (EEG). Les petits portaient un casque constitué d’un réseau de 128 capteurs, qui enregistraient l’électricité naturellement émise par l’activité cérébrale à travers leur cuir chevelu. Nous avons donc pu suivre ces réactions neuronales pendant que les enfants observaient des images affichées sur un écran d’ordinateur, ce qui nous a permis de récolter des informations sur leurs connaissances et leur capacité à faire la différence entre les personnages qu’on leur montrait.

Grâce à des instruments dédiés, nous avons aussi analysé leurs mouvements oculaires afin de mesurer leur durée d’attention et de repérer les parties des images sur lesquelles ils se concentraient le plus.

Les systèmes de suivi du regard permettent aux chercheurs de savoir où va l’attention des enfants. (Matthew Lester, CC BY-ND)

Les données collectées lors de cette première visite nous ont servi de point de comparaison pour évaluer les mesures suivantes, prises après avoir laissé aux familles des livres sur ces mêmes personnages.

Exemple de pages d’un livre montré aux petits sujets, où chaque personnage avait un nom. (Lisa Scott)

Nos sujets étaient répartis en trois groupes. Dans le premier, les parents ont lu aux petits des livres contenant six personnages qui leur étaient inconnus, et dont chacun avait un nom. Le deuxième groupe disposait des mêmes livres, mais les personnages y étaient tous désignés par le même nom, choisi au hasard (Hitchel, par exemple). Le reste des familles, notre groupe contrôle, n’a rien lu de particulier pendant la durée de l’étude.

Au bout de trois mois, nos volontaires sont revenus au laboratoire pour une nouvelle mesure de l’attention portée aux personnages par les enfants. Le résultat : seuls ceux qui avaient reçu des livres où les personnages portaient des noms distincts avaient fait des progrès. L’activité cérébrale des bébés ayant appris une variété de noms témoignait également de leur capacité à faire la différence entre les différents personnages. Ces effets n’apparaissaient pas chez les enfants du groupe contrôle, ni ceux dont les livres ne comportaient que des dénominations génériques.

Ces conclusions suggèrent que les enfants sont capables dès le plus jeune âge de faire appel à des représentations mentales pour découvrir le monde qui les entoure, et que la lecture partagée est un outil très efficace pour soutenir leur développement dans la première année de leur vie.

Le meilleur livre pour un enfant dépend en grande partie de son âge. (Penn State, CC BY-NC-ND)

Adapter ses choix pour optimiser les bienfaits

Alors, quelles implications pour les parents désireux de rendre leur temps de lecture le plus utile possible ?

D’abord, tous les livres ne se valent pas. On ne lira pas la même chose à un enfant de six ou de neuf ans et à un bambin de deux ans. De même, à quatre ans, quand on se prépare à apprendre à lire seul, les besoins sont encore différents. Autrement dit, pour que la lecture puisse porter ses fruits, il faut choisir les bons ouvrages au bon moment.

Pour ce qui est des nourrissons, les livres qui nomment différents personnages peuvent fournir une expérience de meilleure qualité, avec les bénéfices pour l’apprentissage et le développement cérébral que nous avons constatés. Chaque enfant étant unique, les parents doivent avant tout trouver le livre qui intéressera le plus leur bambin.

Ma fille adore la série Pat the Bunny, ainsi que les histoires d’animaux du type Cher Zoo. Quand certains personnages n’avaient pas de nom, nous leur en donnions un.

Il est possible que les livres qui nomment leurs personnages vous forcent tout simplement à parler davantage. On sait qu’il est essentiel de parler aux bébés pour assurer leur bon développement. Notre conseil aux parents de tout-petits : intégrez la lecture partagée dans vos habitudes quotidiennes, et donnez un nom aux personnages ! Pour les guider dans leur fantastique découverte du monde, parlez à vos bambins le plus et le plus tôt possible, et appuyez-vous sur les histoires pour vous y aider.

Traduit de l’anglais par Guillemette Allard-Bares pour Fast for Word.

Lisa S. Scott, Associate Professor in Psychology, University of Florida

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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