Le gouvernement indien a annoncé que quatre nouvelles métropoles du pays seront bientôt équipées de lignes de métro. La quatorzième ligne de métro de Shanghai, dont l’inauguration est prévue pour 2020, ajoutera 32 stations et 38,5 km de voies au plus grand réseau souterrain du monde. Quant aux New-Yorkais, ils peuvent enfin profiter de la ligne de la 2e Avenue, après plus d’un siècle d’attente.
Sur le seul continent européen, plus de 60 villes sont équipées d’un métro, et plus de 120 millions de personnes utilisent au quotidien ce moyen de transport. Chaque jour, il y a 4,8 millions d’usagers à Londres, 5,3 millions à Paris, 6,8 millions à Tokyo, 9,7 millions à Moscou et 10 millions à Pékin.
Le métro constitue une ressource vitale pour les transports dans les villes densément peuplées, et son importance ne va cesser de croître : en effet, selon un rapport des Nations unies publié en 2014, la moitié de la population mondiale est désormais citadine. Ce moyen de transport peut aussi contribuer à lutter contre la pollution atmosphérique des grandes métropoles en réduisant l’utilisation des véhicules à moteur.
Issues en partie des usines et du trafic routier, les grandes quantités de particules volatiles (ou fines) et de dioxyde d’azote (NO2) présentes dans l’air des villes contribuent à la réduction de l’espérance de vie de leurs habitants. Les transports en commun ont ainsi semblé constituer une solution permettant de réduire la pollution atmosphérique des métropoles.
Mais quelle est la qualité de l’air que nous respirons sous terre, sur les quais des stations et dans les rames ?
Un bilan mitigé
Au cours de la dernière décennie, plusieurs études pionnières ont analysé la qualité de l’air du métro dans un grand nombre de villes d’Europe, d’Asie et d’Amérique. La somme des données récoltées est incomplète, mais elle continue de croître et elle est déjà riche d’enseignements. Tout récemment, une enquête du journal Le Monde révélait que 28 000 salariés étaient exposés à des concentrations dangereuses en particules fines dans le métro parisien et le RER.
Pollution : l’air irrespirable des travailleurs du métro https://t.co/DVyKW3X21H
— Le Monde (@lemondefr) 14 septembre 2017
Quand on compare, pour un même trajet dans la ville de Barcelone, la qualité de l’air respiré dans le métro, le bus, le tramway et dans la rue, la pollution mesurée dans le métro est supérieure à celle subie par les usagers du tram ou les piétons dans la rue, mais légèrement inférieure à celle des bus. À Hong Kong, Mexico, Istanbul et Santiago du Chili, en revanche, les niveaux de pollution mesurés dans le métro sont inférieurs à ceux des autres moyens de transport public.
Une histoire de roues et de pneus
On a attribué ces écarts aux différents matériaux entrant dans la fabrication des roues et des systèmes de freinage. On a aussi fait valoir des différences dans les systèmes de ventilation et de climatisation, mais cela peut aussi s’expliquer par des variations dans les protocoles de mesure et les sites choisis pour le prélèvement des échantillons.
Les facteurs clés déterminant le degré de pollution atmosphérique du métro incluent la profondeur de la station, sa date de construction, le type de ventilation utilisé (air naturel ou conditionné), le type de freins (électromagnétiques ou freins classiques à plaquettes) et de roues (en gomme ou en acier) dont sont équipés les rames, la fréquence de leur passage et, plus récemment, la présence ou l’absence de portillons entre les rames et la plate-forme.
Une quantité importante de particules fines proviennent en effet des éléments mobiles de la rame, tels que les roues et les plaquettes de freins, mais aussi des rails et du réseau électrique, de sorte qu’elles contiennent le plus souvent du fer.
Aucune étude épidémiologique ne permet à ce jour de pointer d’éventuels effets anormaux sur la santé des personnels travaillant sous terre et des usagers. Les ouvriers du métro new-yorkais qui ont été exposés à cet air souterrain n’ont pas subi une dégradation significative de leur état de santé. On n’a pas observé non plus de surexposition au risque de contracter un cancer du poumon c hez les conducteurs de rames du métro de Stockholm.
Toutefois, les observations effectuées dans cette même ville par certains spécialistes incitent à la prudence : les employés travaillant sur les quais du métro, là où l’on relève les taux de particules fines les plus hauts, présentaient en général des marqueurs de risque de maladie cardiovasculaire plus élevés que les vendeurs de tickets et les conducteurs de rame.
Les particules ferreuses, de loin les plus nombreuses, se combinent à d’autres, d’origines diverses, y compris les pierres des voies utilisées comme ballast, les micro-organismes présents dans l’air (bactéries et virus) et l’air à la surface. Poussées par les courants d’air tourbillonnants générés par les systèmes de ventilation et le passage des rames, elles voyagent à travers les tunnels.
Tous les quais ne se valent pas
À ce jour, la campagne de mesure la plus approfondie jamais réalisée concernait les quais du métro de Barcelone. Trente stations de structures différentes ont été étudiées dans le cadre du projet IMPROVE LIFE, avec le soutien du Fonds AXA pour la Recherche.
L’étude a mis en évidence des variations significatives dans les concentrations de particules fines. Les stations ne comprenant qu’un seul tunnel et une voie séparée de la plateforme par des barrières vitrées présentaient, en moyenne, une concentration inférieure de moitié à celle des stations ordinaires, dépourvues de barrières. Les chercheurs ont également montré que l’air conditionné générait de plus faibles concentrations de particules fines à l’intérieur des wagons.
On observe aussi que, dans les rames où les voyageurs peuvent ouvrir les fenêtres (comme c’est le cas à Athènes), les taux de particules fines augmentent dans la rame quand celle-ci traverse un tunnel, en particulier quand elle y pénètre à grande vitesse.
Stations étroitement surveillées
Bien qu’il n’existe encore aucun encadrement légal de la qualité de l’air dans le métro, la recherche devrait progresser pour nous doter de méthodes pratiques permettant de limiter l’exposition aux particules fines. Ce qu’on a pu observer à Barcelone, où les stations de métro varient considérablement par leur structure et leurs systèmes de ventilation, c’est que l’atmosphère de chaque plate-forme constitue un micro-environnement bien particulier.
Pour concevoir des solutions, il faudra donc prendre en compte les conditions propres à chaque station. Ce n’est qu’alors que les chercheurs pourront mesurer l’influence exacte de la pollution générée par les rames.
La recherche continue de progresser dans ce domaine, et s’intensifiera à mesure que les sociétés en charge des réseaux deviendront plus sensibles à l’impact de la qualité de l’air souterrain sur la santé des usagers du métro.
Les recherches de Fulvio Amato sont financées par le Fonds Axa pour la Recherche.
Traduit de l’anglais par Arnaud Gancel pour Fast for Word.
Fulvio Amato, Tenured Scientist, Spanish National Research Council et Teresa Moreno, Tenured Scientist, Institute of Environmental Assessment and Water Research (IDAEA), Spanish Scientific Research Council CSIC
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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