La Réglementation 1984, dont il est question ici, n’a rien à voir avec le roman de 1949 de George Orwell 1984, mais fait référence à une loi chinoise qui est entrée en vigueur en 1984. Le nom complet de cette loi est Réglementations Provisionnelles concernant l’utilisation des cadavres et organes de détenus exécutés par la Cour Suprême du Peuple, le Parquet Suprême du Peuple, le Ministère de la Sécurité Publique, le Ministère de la Justice, le Ministère de la Santé et le Ministère des Affaires Civiles. Si cette réglementation provoque la même horreur que le roman d’Orwell, c’est une pure coïncidence.
Prisonniers exécutés
Avant 2012, le fait que les organes pour effectuer des greffes, en Chine, provenaient de détenus exécutés n’était l’objet que de murmures. Mais récemment, après l’exécution du vendeur de rue chinois Xia Junfeng, on a vu bien des spéculations émises par les usagers de microblogs quant à savoir si ses organes ont été volés.
Je cite ici trois commentaires caractéristiques des citoyens du Net : « Xia a été condamné à mort en avril mais l’exécution a été effectuée brusquement, après cinq mois. Sa famille n’a reçu l’information pour venir recueillir ses cendres qu’après-coup et nul n’a jamais vu son corps », a publié FifthDimen
« La période d’attente des cinq mois était en fait pour permettre au receveur d’organe de se préparer et non pour laisser Xia vivre encore quelques mois », a spéculé Miaojue12
« Utiliser des gens vivants comme réservoirs d’organes… eux seuls osent faire une chose pareille », a commenté Aiww
Des reportages chinois confirment que de telles assomptions sont plausibles.
Le citoyen du net truth&justice citait un bulletin de presse précisant : « Lorsque Zhang Jing, l’épouse de Xia, a reçu les effets de Xia à la prison, elle a découvert que les vêtements qu’il portait, lors de leur dernière entrevue, étaient inclus dans le paquet. Zhang s’est demandé ce qu’il avait bien pu porter quand il a quitté ce monde. Puis, elle a éclaté subitement en sanglots. »
J’ai recherché en ligne et découvert que le Beijing News et l’Apple Daily de Hong Kong ont rendu compte de ceci. Les spéculations des citoyens du net n’ont rien d’extravagant; ce n’est que lorsque l’on est exécuté sur une table chirurgicale –autrement dit, tué suite à une extraction d’organes – qu’on n’a pas besoin de vêtements.
De nombreux Chinois sont furieux quand ils découvrent que les prisonniers en Chine doivent faire une dernière contribution économique au groupe d’intérêt législatif particulier de la Chine. En ce qui me concerne, je me sens pleine de chagrin et désarmée.
Changer les déchets en trésor
Il y a bien des années, j’ai eu connaissance d’une réglementation légalisant l’usage d’organes de prisonniers exécutés dans un but de recherche. Ce document – Réglementation 1984 – était top secret et je l’ai vu. Il y a quelque deux ans, je suis tombée sur ce document en ligne. Le nom complet en est Réglementations Provisionnelles concernant l’utilisation des cadavres et organes de détenus exécutés par la Cour Suprême du Peuple, le Parquet Suprême du Peuple, le Ministère de la Sécurité Publique, le Ministère de la Justice, le Ministère de la Santé et le Ministère des Affaires Civiles. Il a été publié le 9 octobre 1984 et est utilisé depuis.
Une réglementation a été effective en Chine depuis presque trente ans, mais les citoyens n’en savent rien, du fait de la capacité du régime à garder les secrets.
La section 4, No 4 de cette réglementation indique : « Il faut garder secrète l’utilisation de cadavres et d’organes de prisonniers exécutés car on doit tenir compte de son influence parmi le public. Il est recommandé qu’elle [l’extraction d’organe] soit effectuée dans la même unité. Si nécessaire, une fois obtenue la permission de la cour [de justice] qui prononce la peine de mort, un camion médicalisé peut se déplacer jusqu’au site d’exécution et prélever les organes sur place. Aucune mention médicale sur le camion et aucun uniforme médical blanc ne sont autorisés. L’interdiction d’accès au site d’exécution ne peut pas être levée avant que l’ablation d’organes ne soit terminée. »
Nous sommes en mesure d’affirmer que l’allégation qui a démarré, vers la fin des années 1980, concernant les autorités chinoises prélevant des organes sur des prisonniers exécutés, est véridique. Le régime l’a gardée top secret et les gens de l’extérieur n’en connaissent pas les détails. De plus, les Chinois de l’époque ne savaient pas grand-chose sur les droits de l’homme, à plus forte raison que les prisonniers dans le «couloir de la mort» ont aussi des droits fondamentaux. Qui plus est, le régime promouvait le don d’organe dans la société à cette époque, avec ce que l’on appelait « changer la coutume ».
J’ai un jour discuté de ce sujet avec plusieurs professionnels appartenant au domaine juridique et ils étaient d’avis que les personnes condamnées à mort doivent mourir de toute façon, alors leurs organes peuvent bien être utilisés pour d’autres. Cela s’appelle «transformer les déchets en trésor».
Collecte d’organes vivants
La Réglementation 1984 précise deux principes. L’un de ces principes indique que l’exécution doit s’effectuer par fusillade groupée, selon les règles en vigueur dans le Code Criminel et que par ailleurs les organes doivent être prélevés après exécution.
Cependant, la pratique de collecte d’organes à vif qui a commencé un peu plus tard en Chine. Cette pratique a provoqué une forte condamnation de la part de la communauté internationale et a suscité des questions pour savoir si l’usage que fait la Chine des organes de prisonniers exécutés était en conformité avec les normes éthiques internationales.
En juillet 2006, l’ex-secrétaire d’État canadien pour l’Asie-Pacifique David Kilgour et le juriste des droits de l’homme David Matas publiaient leur rapport d’enquête indépendant Moisson Sanglante: Allégations de Collecte d’Organes sur Pratiquants de Falun Gong en Chine. Ce rapport présente de nombreux éléments de preuves qui révèlent une collecte forcée d’organes, de grande envergure et à vif en Chine, et l’appelle «une malfaisance sans précédent sur cette planète». Au fil des ans, d’autres preuves ont été rassemblées et ajoutées à ce rapport qui en est maintenant à sa troisième édition. Cela a suscité une forte préoccupation au sein de la communauté internationale.
En novembre 2005, Caijing Magazine publiait l’article Accélérer la Régularisation des Transplantations d’Organes. Cet article levait le lourd rideau noir qui pesait sur ce domaine restreint de la presse. Il s’est saisi de l’occasion quand Huang Jiefu, à l’époque Vice-ministre chinois de la Santé, a admis publiquement, lors d’une rencontre de l’Organisation Mondiale de la Santé à Manille, que les donneurs en vue de greffes d’organes en Chine sont pour l’essentiel des prisonniers exécutés.
Caijing citait également le Dr Chen Zhonghua, directeur-adjoint du Comité pour la Division Greffe d’Organes de l’Association médicale chinoise, qui avait déclaré que de 2003 à mai 2009, seuls 130 citoyens chinois sur le territoire national avaient fait don de leurs organes après leur mort. La liste annuelle de 1,5 millions de patients chinois en attente de transplantations d’organes a donné naissance à une ligne sanglante de trafic industriel d’organes humains.
Depuis lors, les médias chinois ont occasionnellement rendu compte de ce commerce d’organes humains. Mais la collecte d’organes sur prisonniers exécutés est toujours restée un sujet confidentiel, jusqu’en mars 2013, lorsque Huang Jiefu au Congrès national du Peuple a proposé, à nouveau, de réglementer la transplantation d’organes en Chine aussi rapidement que possible.
Les média chinois ont largement diffusé l’information. Sohu Watch, dans son article Donation d’organe : Votre corps vous appartient-il encore après la mort ? indiquait au tout début « Les raisons pour lesquelles les prisonniers exécutés se voient prélever leurs organes à vif ».
Le second principe indiqué dans la Réglementation 1984 est celui du volontariat. Cette régulation déclare clairement que les transplantations d’organes ne peuvent se produire que dans les situations suivantes: les corps non réclamés ou refusés par leurs familles, les prisonniers exécutés qui font don de leurs corps pour utilisation par des unités médicales, les corps utilisés avec la permission des proches.
Cependant, à en juger par la réalité ce n’est fondamentalement qu’un discours vide. Sohu Watch soulignait que c’est une règle dissimulée de longue date au sein des départements judiciaires de Chine que d’abuser du principe de donation volontaire pour retirer les organes de prisonniers exécutés jeunes et en bonne santé. Ces dernières années, bien des familles n’ont reçu qu’une boîte de cendres, mais n’ont jamais vu la dépouille de leurs proches exécutés.
Le professeur en droit criminel Qu Xinjiu de l’Université chinoise des Sciences politiques et du Droit déclarait : « Il y a un conflit insurmontable entre le statut d’un(e) prisonnier(e) condamné(e) et sa liberté à prendre une décision. Même dans le cas où un prisonnier condamné désavantagé exprimerait la volonté de donner ses organes, ce ne serait peut-être pas son souhait réel. Même si les instances régulatrices et le judicaire ne s’engageait dans aucune forme de persuasion, d’incitation ou de coercition, le statut légal du détenu rend impossible de déterminer si son intention de donner un organe est véritable et volontaire ». De ce fait, on ne peut absolument pas se fier au principe de plein gré de la Réglementation 1984.
L’utilisation d’organes de prisonniers exécutés pour la transplantation n’est qu’une partie du problème concernant la dignité des prisonniers condamnés en Chine. Certaines personnes pensent sans doute que dans un pays qui ne peut même pas maintenir la dignité des vivants, cela constitue un luxe que de discuter de la dignité des prisonniers exécutés. Toutefois, quand on pense au manque de sécurité politique et sociale en Chine, et à ce qu’il est advenu de Zeng Chengjie et Xia Junfeng, se préoccuper de la dignité de la mort de prisonniers condamnés touche en fait, de près, à toute personne vivante.
He Qinglian est un auteur et économiste chinois très en vue. Actuellement basée aux États-Unis, elle a signé Les Périls de la Chine qui concerne la corruption lors de la réforme économique dans la Chine des années 90, et Le Brouillard de la Censure: Contrôle des Média en Chine qui aborde la manipulation et la restriction de la presse. Elle écrit régulièrement sur les questions sociales et économiques de la Chine contemporaine.
Version en anglais : China’s Secret ‘Regulation 1984′ on Prisoner Organ Extraction
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