« C’est une manifestation, pas un festival », martèlent ces derniers jours des affichettes disséminées dans Alger. Peut-on protester et faire la fête? La question fait débat dans les rues de la capitale, à nouveau transformées vendredi en immense kermesse pour demander le départ du « système » au pouvoir.
Chaque vendredi, premier jour du week-end en Algérie, les manifestants envahissent les rues des villes du pays. Des manifestations saluées pour leur organisation, leur pacifisme, l’humour des slogans et pancartes, mais aussi remarquées pour leur côté toujours festif. Un peu trop festif désormais pour certains que la musique et les danses, notamment, irritent, ou qui s’inquiètent de l’image un peu trop joyeuse que renvoient les manifestations, en décalage avec les revendications graves d’un mouvement inédit en Algérie.
Hamid, 25 ans, a délaissé les slogans politiques pour une autre pancarte: « SVP ne transformez pas le mouvement en carnaval », demande-t-il cette semaine. Des appels similaires ont largement été relayés au cours de la semaine sur les réseaux sociaux. « Le mouvement ne doit pas se transformer en carnaval et nous faire oublier l’essentiel qui est le départ du système », explique Hamid, qui semble penser que certains descendent dans les rues davantage pour faire la fête que pour revendiquer un changement de pouvoir.
« Il ne faut pas qu’on s’endorme sur nos lauriers. On a fait reculer le système mais on ne l’a pas encore mis KO », prévient-il. Les vuvuzelas, soudainement apparues en nombre la semaine passée, ont suscité l’agacement de nombreux manifestants. Elles ont depuis disparu du cortège, au grand dam des vendeurs à la sauvette qui n’ont pas réussi à écouler leur stock de ces cornes en plastique.
Ils continuent cependant à vendre chapeaux, écharpes et autres accessoires, dont l’indispensable drapeau national, dont les prix grimpent. Une sono, installée sur le trottoir d’une importante artère du centre-ville et autour de laquelle dansaient les semaines précédentes de nombreux jeunes les semaines précédentes, a également disparu. Mais les « darbouka », des instruments à percussion traditionnels, continuent à rythmer la marche. Et à faire débat.
« Quand nous aurons gagné et qu’ils (les dirigeants) auront tous dégagé, on fera la fête autant que vous voulez », lance Kenza, une quinquagénaire à trois jeunes hommes tapant sur des « darbouka ». Une autre femme s’approche poliment: « S’il vous plaît, si vous aimez l’Algérie, faites entendre la voix du peuple qui gronde, ne la masquez pas, l’avenir du pays est en jeu ». L’un des musiciens, Bilal Merzouki, 25 ans, assure que son instrument ne fait qu’accompagner les slogans. Ses amis assurent aussi être « à 100% dans la lutte contre le système ». Le débat est courtois et chacun fait valoir calmement son opinion.
Plus loin, Yasmine et Zohra, deux étudiantes de 22 ans, manifestent côte à côte après avoir fait connaissance quelques instants auparavant. « La fiesta c’est après, quand le peuple aura gagné. Vigilance, vigilance », estime Yasmine, jeune femme aux cheveux noirs, presque entièrement drapée dans un grand drapeau algérien, vert et blanc, étoile et croissant rouges au centre. Ceinte, elle, d’un foulard aux couleurs nationales d’où dépassent quelques boucles noires, Zohra n’est pas d’accord: chanter l’hymne national ou les chants politiques des supporters de foot, c’est un acte « engagé sans être triste ».
Dans le cortège, une pancarte repousse la fête au jour de la chute du régime: « Marchons, marchons, et nous fêterons la victoire après en dansant ».Une autre propose un délai plus rapproché: « Si tu veux danser aujourd’hui, pas de problème: attends la fin de la manif et danse ». Message reçu: alors que se disperse dans le calme le défilé, certains se regroupent au coin d’une rue et dansent aux sons des percussions.
D.C avec AFP
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