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Budget 2025 : « Pour la première fois depuis huit ans, les entreprises vont rentrer dans une période d’instabilité fiscale », déplore Audrey Louail

octobre 16, 2024 7:22, Last Updated: octobre 16, 2024 20:33
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ENTRETIEN – Audrey Louail est présidente de l’association d’entrepreneurs CroissancePlus. Elle livre son regard pour Epoch Times sur le budget 2025 et plus précisément les hausses d’impôts prévues pour les entreprises.

Epoch Times : Michel Barnier a présenté la semaine dernière en Conseil des ministres le budget 2025. Il vise à réaliser 60 milliards d’euros d’économies pour réduire le déficit public. Des économies supportées par la réduction de la dépense publique (40 milliards d’euros) et les hausses d’impôts (20 milliards). Ce projet de loi de finances va-t-il, selon vous, permettre de trouver ces 60 milliards d’euros ?

Audrey Louail : À vrai dire, ce budget 2025 m’inquiète. Si les hausses d’impôts, notamment pour les entreprises et les collaborateurs ont été clairement détaillées, on ne peut en dire autant des mesures visant à réduire la dépense publique.

Je déplore également le manque de projection du gouvernement. C’est-à-dire que beaucoup de mesures court-termistes ont été annoncées pour renflouer les caisses de l’État et s’attaquer à notre dette abyssale, mais sans politiques de long terme qui permettraient de combler le déficit durablement. Par conséquent, je crains qu’en 2027, nous nous retrouvions avec cette même problématique d’un modèle social inadapté et structurellement déficitaire.

Dans nos entreprises, quand nous faisons face à une difficulté budgétaire, nous regardons le compte de résultat pour ensuite, en fonction de nos constatations, adapter notre stratégie d’entreprise et nos finances.

J’ai donc le sentiment que le gouvernement ne cherche qu’à régler partiellement le problème en allant chercher l’argent dans les entreprises sans vision de long terme pour assainir les comptes publics.

Le gouvernement entend justement récupérer 13 milliards d’euros auprès des grandes entreprises notamment via une surtaxe sur l’impôt sur les sociétés, une diminution des aides ou le reciblage des baisses de cotisations patronales. Quelles conséquences pourraient avoir ces hausses et ajustements de prélèvements sur les entreprises concernées ? Craignez-vous qu’elles favorisent leur fermeture ?

Je tiens à rappeler que le climat actuel est déjà peu favorable aux entreprises : le nombre de défaillances d’entreprises a augmenté, au point de revenir au niveau de 2019. Un phénomène qui touche désormais aussi les ETI (Entreprise de taille intermédiaire). Ce n’était pas le cas jusqu’à présent…

Par ailleurs, à la tête de CroissancePlus, je représente 500 entreprises, PME et ETI en croissance, et en juin dernier, dans le cadre d’une enquête de conjoncture, nos adhérents ont constaté pour la première fois une stagnation, voire une baisse de leur chiffre d’affaires. La conjoncture économique actuelle n’est donc pas vraiment propice au monde de l’entreprise.

En réalité, nous évoluons dans un climat très attentiste qui est le résultat de cette fragilité fiscale et de ce manque de visibilité. Pour la première fois depuis huit ans, les entreprises vont rentrer dans une période d’instabilité fiscale. C’est assez regrettable, quand on sait qu’aujourd’hui l’inflation ralentit, les prix de l’énergie diminuent et les taux d’intérêt commencent à baisser et que, par conséquent, nous devrions être en train d’investir pour préparer demain…

Maintenant, parmi les mesures fiscales précises annoncées par le gouvernement, c’est bien la hausse des cotisations sociales qui m’inquiète le plus. Je rappelle que la France est déjà championne d’Europe en termes de coût du travail ! Donc, si nos dirigeants décident de taxer davantage le travail, cela va indéniablement avoir une répercussion sur le pouvoir d’achat de nos collaborateurs. Le travail ne va plus payer.

L’emploi sera également impacté par cette revalorisation des cotisations : les entreprises vont moins recruter et le chômage va mécaniquement augmenter.

Vient s’ajouter à la hausse des prélèvements le coup de rabot sur l’apprentissage. L’aide à l’embauche d’un apprenti passerait de 6000 à 4500 euros. De plus, le seuil d’exonération de cotisations passerait, lui, de 79 à 50 % et les rémunérations seraient assujetties désormais à la CSG CRDS.

Affaiblir ces dispositifs aura, encore une fois, un impact sur l’emploi, mais aussi sur la réindustrialisation du pays puisque ces dispositifs permettent aux entreprises industrielles de recruter des jeunes et de les former alors qu’aujourd’hui, les écoles ne proposent pas toujours de formations adaptées à ces métiers.

La semaine dernière, au micro de France Info, le président de la CPME, François Asselin, a dénoncé des mesures fiscales qui pourraient toucher les petites entreprises. « Lorsqu’on parle, par exemple, de revenir sur la courbe d’allègement des charges sociales, ce sont les PME qui vont être les premières impactées […] Lorsqu’on veut revenir sur les mesures de soutien à l’apprentissage, ce sont les PME qui vont être les plus impactées », a-t-il déclaré. Partagez-vous ses inquiétudes ?

Nous avons effectivement du mal à appréhender les mesures annoncées. Le gouvernement nous parle d’un lissage des cotisations sociales ou de modification de l’apprentissage, mais les cotisations vont, quoi qu’il arrive, augmenter le coût du travail, aussi bien pour les entreprises que pour les collaborateurs. C’est, à mon sens, le point central de ce budget.

Par ailleurs, je crains que d’autres mesures fiscales prévues dans le budget 2025 menacent directement la compétitivité de nos entreprises à l’instar du nouveau report de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ou les coups de rabot sur le crédit impôt recherche (CIR), le crédit d’impôt innovation (CII), ou encore la suppression des allègements pour les Jeunes Entreprises Innovantes (JEI) ou de Croissance (JEC).

Il ne faut pas oublier que l’innovation est en quelque sorte le nerf de la guerre pour générer de la croissance.

Dans une tribune publiée dans le Figaro, vous écrivez que : « Le réel problème de notre économie est celui de la dépense publique ». Le budget 2025 aurait donc seulement dû se focaliser sur la baisse de celle-ci ?

Oui principalement. Je pense que tout le monde doit participer à l’effort collectif. À partir du moment où la France fait face à un déficit hors norme, il y a certainement des effets ou des ajustements à faire sur la fiscalité à la fois des ménages et des entreprises.

Cependant, le principal problème reste les 1600 milliards d’euros de dépenses publiques annuelles.

Des mesures courageuses doivent donc être prises maintenant pour pouvoir stabiliser le futur. Je pense, par exemple, à la répartition des postes de la fonction publique, au temps de travail dans l’administration ou à un meilleur contrôle.

Je regrette que le gouvernement n’ait pas annoncé de mesures très claires et des délais de mise en œuvre de celles-ci qui iraient dans ce sens.

Une étude de l’IFOP en partenariat avec Yomoni indique que « 81 % des Français soutiennent une augmentation des impôts sur les grosses entreprises ». Comment analysez-vous cette statistique ?

Si des entreprises réalisent des superprofits, peut-être qu’elles doivent en retour verser des superdividendes ou payer davantage d’impôts. Sur le principe, cela ne me dérange pas.

Pour autant, je pense que ces hausses d’impôts ne peuvent être que temporaires puisqu’une entreprise ne peut être évaluée seulement à l’aune d’un résultat annuel. Elle doit l’être sur le temps long. N’oublions pas également que si ces entreprises, qui sont des fleurons de notre économie, subissent une pression fiscale trop forte, elles ne seront plus en mesure d’investir, d’innover et de payer correctement leurs collaborateurs et à la fin, l’économie française va en payer le prix.

Taxer sur le long terme les grandes sociétés n’est donc, à mon sens, pas la solution.

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