Mise en place par Gérald Darmanin, la CRS 8, présentée comme une unité d’élite déployable en urgence pour des missions de maintien de l’ordre compliquées, suscite des critiques, un peu sur ses méthodes, beaucoup sur son emploi, alors qu’elle va bientôt être dupliquée.
Composée de 200 fonctionnaires, la Compagnie républicaine de sécurité numéro 8 a été installée par le ministre de l’Intérieur en personne en juillet 2021 en région parisienne, à Bièvres, où est aussi basé le Raid.
Mobilisable en « 15 minutes » et susceptible d’intervenir dans toute la France, elle a été créée après des violences à Dijon en juin 2020, impliquant des membres de la communauté tchétchène. L’actuel locataire de la place Beauvau annonce régulièrement son déploiement, souvent lors d’événements retentissants : en Corse, après l’agression mortelle d’Yvan Colonna en prison, ou à Mayotte pour l’opération Wuambushu contre la criminalité et l’immigration clandestine.
La « force aller-retour »
Ces derniers jours, une partie de l’unité a été envoyée à Marseille et une autre à Nîmes, après plusieurs fusillades liées au trafic de stupéfiants. Cela n’a pas empêché la mort d’un autre jeune homme à Nîmes, tué par balles dans la nuit de mercredi à jeudi. La compagnie avait alors terminé sa vacation, mais sera désormais mobilisée « 24 heures sur 24 à Nîmes », a assuré Gérald Darmanin dans la foulée.
« Elle n’est quasiment jamais arrivée dans un moment chaud, toujours après la guerre », observe un ex-membre des CRS. Dans les rangs, ses détracteurs la surnomment la « force aller-retour », ajoute-t-il, estimant que l’unité permet surtout au ministre de l’Intérieur de montrer à l’opinion publique qu’il apporte une « réponse immédiate » aux problèmes.
En novembre 2023, trois autres unités de ce type doivent être créées, à Nantes, Marseille et Lyon. Une quatrième sera implantée au printemps 2024 à Montauban. « Peut-être » qu’alors, « avec une capacité de projection plus rapide », il y aura une « vraie plus-value opérationnelle », relève le même policier. En attendant, « le boulot qu’ils font en arrivant 15 heures après peut être fait par une compagnie plus près, évitant des trajets longs et coûteux ».
Même si la CRS 8 est « mieux équipée, mieux formée », « je ne sais pas si l’effet serait très différent avec une compagnie » classique, s’interroge aussi un officier supérieur de la gendarmerie, spécialiste de ces questions. Leur présence a un « effet, salué par la population », mais « dès leur retrait, les trafics, les règlements de compte reprennent », ajoute-t-il.
« Urgentistes de l’ordre public »
Dans deux rapports, rédigés fin 2021 puis fin 2022, et consultés par l’AFP, le propre commandant de la CRS 8 de l’époque, Jean-Louis Sanchet, regrettait son emploi sur des opérations de sécurisation moins sensibles. De quoi entraîner un sentiment de « frustration » chez les agents, demandant à être reconnus comme des « urgentistes de l’ordre public », sans être cantonnés au statut de « force supplétive » de leurs collègues de sécurité publique, selon les mots du commandant, qui n’est plus à la tête de l’unité et sera remplacé dans les prochains jours.
En interne, ces commentaires ont « parfois été perçus comme des caprices d’enfant gâté », selon un haut gradé de la police. « La police, ce n’est pas l’armée, qui attend l’arme au pied. Il faut la faire travailler sur le terrain. » « Il y a eu un temps d’adaptation, mais depuis deux ans, ils sortent plus souvent, ont plus de missions », abonde Jean-Paul Nascimento, secrétaire national CRS à l’UNSA, principal syndicat représentatif dans l’unité.
« Une logique répressive (…) insuffisamment cadrée »
Sur le terrain, les méthodes de cette compagnie plus « mobile » et susceptible d’aller davantage au « contact » ont fait l’objet de quelques critiques. À Mayotte, des tirs de sommation à l’arme à feu ont été effectués pour faire fuir des assaillants. Un fait rare lors d’opérations de maintien de l’ordre. À Rennes, une enquête a été ouverte et confiée à l’IGPN, la police des polices, pour des violences lors d’une manifestation contre la réforme des retraites.
La CRS 8 s’inscrit dans « une logique répressive dont on voit qu’elle est insuffisamment cadrée par l’institution », regrette Jacques de Maillard, directeur du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip). « Vu les théâtres d’engagement de cette compagnie, le nombre de mises en cause ou d’enquêtes la visant est extrêmement réduit », répond-on du côté de la Direction générale de la police nationale (DGPN).
Des « unités dynamiques et réactives » sont incontournables face à des fauteurs de troubles « de en plus en plus mobiles », affirme la même source, qui défend un « dispositif qui marche et obtient de bons résultats ».
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