Au cœur d’une banlieue aisée d’Harare, une hutte arrondie au toit de chaume se démarque des habitations à l’architecture récente. De petits citadins en uniforme entrent bouche bée dans la modeste demeure où sont exposés calebasses, arc et flèches, poteries, tambourin en peau de vache ou encore matelas en roseau. La propriétaire des lieux, Hatifari Munongi, conteuse, poète et enseignante à la retraite, a reconstitué dans sa propriété une maison traditionnelle africaine.
Un projet qui s’est imposé en discutant avec les enfants de son quartier de Marlborough. « Quand je demandais à un enfant ce qu’était un nhodo, il me regardait l’air hébété », raconte l’octogénaire en référence à un jeu de galets qui se joue, depuis des générations, dans des trous creusés à-même le sol. « Ça leur était totalement étranger. Pour moi, ce n’était pas bon signe », explique-t-elle, fichu rose sur la tête et tablier bleu passé sur une robe traditionnelle aux couleurs éclatantes.
« J’ai alors décidé de faire quelque chose pour sauver la culture et les traditions » du Zimbabwe. La retraitée a puisé dans ses économies pour construire un lieu dépositaire de l’héritage culturel de son pays. Dans sa cour, elle a fait construire une hutte au sol en terre battue, un clapier et un enclos pour faux bétail, un bœuf grandeur nature en fer. Un espace est également réservé aux hommes, avec tabourets et rondins disposés en cercle autour du feu, pour débattre des affaires du village.
A l’intérieur de la hutte, Hatifari enseigne un mode de vie disparu ou menacé par une rapide urbanisation. « L’idée était que les enfants des villes expérimentent le mode de vie des Africains autrefois, mais aussi le mode de vie de certains d’entre eux aujourd’hui encore », explique Hatifari. En l’espace d’une trentaine d’années, la population de la capitale a plus que triplé, passant de 615.000 habitants en 1980 à 2,1 millions en 2012. Elle devrait dépasser les 3 millions d’ici 2032, selon les prévisions officielles.
Un exode rural en partie lié à la grave crise économique qui ravage le pays depuis deux décennies. Dans le « village » d’Hatifari, les enfants d’Harare renouent avec la vie rurale. « Ici, ils ont l’occasion de manger du maïs grillé, de jouer à des jeux traditionnels, d’écouter de la musique traditionnelle, de toucher de vieux ustensiles en terre cuite, de voir une grand-mère faire du beurre de cacahuète », raconte la propriétaire, une célébrité locale depuis qu’elle a décroché, en 2016, un diplôme de sociologie à l’âge de 77 ans.
Sa petite-fille Vimbai Gudza, 23 ans, a un diplôme de biochimie. Mais elle pointe au chômage dans un pays où il avoisine les 90%. Du coup, elle donne un coup de main à sa « gogo » (grand-mère). « Pour moi qui ai grandi en ville, c’est une sacrée expérience d’être ici. Je sais maintenant faire de la farine en pilant du grain dans un mortier », lance-t-elle fièrement.
Pour Chipo Mautsire, originaire du district rural de Masvingo (sud-est) et assistante d’Hatifari, ce lieu est essentiel, à une époque, où selon elle les traditions se perdent. « Il y a tant de choses que les jeunes d’aujourd’hui ne savent plus faire comme s’agenouiller pour saluer leurs aînés ». Viola Rupiza rentre du Royaume-Uni après 14 ans d’absence. « Je suis très impressionnée » par ce village. « Ça me rappelle nos visites à la campagne. C’est plein de nostalgie ».
La visite du « village », fréquenté avant tout par les écoles, coûte 3 dollars par adulte et 1 dollar pour les enfants. A 80 ans, Hatifari ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Elle souhaite désormais accueillir des événements culturels comme des cérémonies de mariage traditionnel où les représentants du marié négocient le prix de la future épouse avec sa famille.
D.C avec AFP
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