Istanbul-Plage: nager entre deux mers, entre deux continents

Par Epoch Times avec AFP
5 août 2022 14:30 Mis à jour: 5 août 2022 14:32

Tous les matins, Metin Cakmakci se hâte de déplier sa serviette sur une chaise longue à l’ombre d’un parasol. Avant que « sa » plage, sur la rive asiatique d’Istanbul, ne soit prise d’assaut.

A 74 ans, le retraité à la peau recuite par le soleil passe son été sur cette bande de sable de Kadikoy, à 25 minutes de son appartement: « Une mer pareille pour une gigantesque ville comme Istanbul, c’est pas mal! » sourit- il en désignant l’eau cristalline, face aux Iles des Princes.

Istanbul, mégapole historique de plus 16 millions d’habitants entre deux mers et deux continents, ne s’envisage pas immédiatement comme une station balnéaire.

Se baigner tout l’été et rentrer en métro la peau salée

Mais à l’instar de New York, Beyrouth et d’une poignée de capitales, on peut s’y baigner tout l’été et rentrer en métro la peau salée, le sable collé aux sandales.

« Autrefois on pouvait accéder à l’eau partout. Depuis bien sûr, les constructions ont poussé, les côtes ont changé, alors on se retrouve un peu les uns sur les autres », constate Metin Cakmakci.

La municipalité d’Istanbul a d’ailleurs rajouté sur sa plage une centaine de chaises longues qui en compte désormais 300 et 170 parasols, détaille Sezgin Kocak, chargé de l’entretien, qui a passé son enfance sur ce sable et voit cette année l’affluence croître.

Les gens se détendent sur des transats sur la plage de Caddebostan sur la côte du Bosphore côté asiatique à Istanbul le 28 juillet 2022. Photo par OZAN KOSE/AFP via Getty Images.

Un effet de la crise économique qui frappe durement en Turquie, avec une inflation proche de 80%.

« Beaucoup de gens ne peuvent plus sortir d’Istanbul », assure Canan Civan, sexagénaire peroxydée en bikini. « Mais même si j’avais l’argent, je n’irais pas ailleurs », affirme-t-elle. « Plutôt que dépenser pour dix jours de vacances, je préfère venir ici chaque jour pendant trois mois. »

85 plages ou baignades accessibles

« Je me sens libre, je m’installe, je bronze… c’est idéal. On peut même apporter son piquenique. Ils ferment les yeux ».

Istanbul compte 85 plages ou baignades accessibles entre la mer Noire, au nord et celle de Marmara, au sud, avec le couloir du Bosphore entre les deux.

Publiques ou privées, certaines attirent plutôt une clientèle traditionnelle, qui se baigne tous voiles dehors et d’autres les bikinis, certains très échancrés.

Mais à l’image de la société turque, les deux se côtoient aussi parfois, sans apartheid. Ou de part et d’autre d’une ligne de démarcation invisible, comme à Silé (prononcer Chile), au débouché du Bosphore sur la Mer Noire.

Une photo aérienne prise le 28 juillet 2022 montre des parasols et des transats à la plage de Caddebostan sur la côte du Bosphore du côté asiatique à Istanbul. Photo par OZAN KOSE/AFP via Getty Images.

Du côté des bikinis, Eren Bizmi encourage ses amis lancés dans une partie de volley-ball.

« Je peux travailler en même temps »

« Quand on évoque la mer, les gens pensent plutôt à Bodrum », sur la Mer Egée (ouest). « Mais les Stambouliotes le savent bien: ici on est à 35, 40 minutes du centre », relève cet agent immobilier de 32 ans qui vante « la mer la plus belle, moins salée », de Sile.

« Et je peux travailler en même temps: si un client appelle, je file lui faire visiter une maison et je reviens! »

Sema Basaran, 22 ans et seule fille des deux équipes, vient de marquer. Etudiante, elle passe son été entre le sable gris et les rouleaux de l’immense plage.

Personne ne mentionne les deux mines marines découvertes dans les parages au printemps, héritage du conflit qui se joue un peu plus au nord, entre la Russie et l’Ukraine.

Enfin, il y a les baigneurs du Bosphore et ceux-là ne troqueraient leur place pour rien au monde, à l’image d’Eren Tör et de son groupe qui se retrouvent tous les matins à Bebek, quartier de la rive européenne.

-Une femme se détend sur un transat sur la plage de Caddebostan sur la côte du Bosphore côté asiatique à Istanbul le 28 juillet 2022. Photo par OZAN KOSE/AFP via Getty Images.

Ce retraité de 64 ans nage – « c’est le seul! » s’esclaffent ses amis – « tous les jours l’année, même en hiver, même sous la neige » affirme-t-il en déroulant les photos sur son smartphone.

« Se baigner à Istanbul, entre deux mers, entre deux continents »

« Pour moi, c’est un privilège de se baigner à Istanbul, entre deux mers, entre deux continents », dans une eau autour de 23 degrés l’été et 11 en moyenne l’hiver. « Que rêver de mieux? ».

Presque tous ont appris à nager ici enfant, dans les eaux du Bosphore dont ils connaissent les courants piégeux et décèlent les changements d’humeur.

Comme Levent Aksut qui continue, à 92 ans, de venir nager « trois à quatre fois par semaine ».

Des gens jouent au beach-volley sur une plage de la côte de la mer Noire dans le district de Sile de la province d’Istanbul le 28 juillet 2022. Photo par OZAN KOSE/AFP via Getty Images.

Mais « le gouvernement ne tient pas à voir des gens en maillots » regrette son fils Caner, évoquant le parti AKP islamo-conservateur au pouvoir qui, selon lui, a réduit les lieux de baignade.

Mais leur rituel à eux demeure: après le bain, ils sèchent sur les bancs du quai au soleil puis vont partager un café. Au revoir, à demain.

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