Michel Houellebecq, « l’enfant terrible » des lettres françaises, est de retour sur les étals des libraires avec un nouveau roman, « Sérotonine », ouvrage sombre et poignant, qui semble avoir anticipé la révolte des « gilets jaunes ».
L’écrivain français contemporain le plus lu à l’étranger a choisi, selon son éditeur, d’observer « une stricte diète médiatique ». Mais son roman, d’ores et déjà assuré d’être un best-seller, constitue un événement de la rentrée littéraire d’hiver en France, où il sort vendredi, mais aussi en Europe, où les ventes vont démarrer la semaine prochaine.
Il sera difficile d’échapper à la déferlante. Flammarion a prévu un tirage exceptionnel de 320.000 exemplaires (le tirage moyen d’un roman en France se situe autour de 5.000 exemplaires). En Allemagne, où le livre sort lundi, son éditeur a prévu un tirage tout aussi exceptionnel pour un livre étranger de 80.000 exemplaires. En Espagne la première édition de l’ouvrage est de 25.000 exemplaires.
Le romancier n’avait rien publié depuis le polémique « Soumission », paru il y a quatre ans, le jour même de l’attaque contre Charlie Hebdo. Toutes éditions confondues, cet ouvrage s’est écoulé à près de 800.000 exemplaires dans le monde francophone. En Allemagne, « Soumission » a dépassé les 520.000 exemplaires.
« Sérotonine » sortira en allemand le 7 janvier, en espagnol le 9, en italien le 10 et en anglais en septembre. Le septième roman de Michel Houellebecq, 62 ans, plonge ses lecteurs au cœur de la France rurale et souffrante. Écrit des mois avant l’apparition des « gilets jaunes », le roman semble avoir anticipé ce mouvement qu’aucun responsable politique n’avait vu venir.
Accusé souvent de cynisme, l’écrivain est plein d’empathie quand il décrit le désespoir d’agriculteurs au bout du rouleau. L’auteur, qui a récemment fait l’éloge du protectionnisme de Donald Trump, tire à boulets rouges sur la politique libérale de l’Union européenne coupable à ses yeux de tous les maux.
Outre la description d’une impitoyable violence sociale, le cœur du livre nous parle d’une violence intime tout aussi terrible: celle d’un homme égoïste que l’échec de sa vie amoureuse a conduit à la dépression. On sort de sa lecture bouleversé. La presse internationale a été troublée par l’image que Michel Houellebecq donne de la France.
L’hebdomadaire allemand Die Zeit affirme avoir longtemps considéré « les convictions anti-libérales du plus grand auteur français du moment » comme un « gadget littéraire ». « Mais maintenant, il faut le prendre au sérieux », estime Die Zeit. Et le Frankfurter Rundschau qualifie Houellebecq de « prophète des gilets jaunes ».
En Italie, où ses romans sont régulièrement en tête des ventes à leur sortie, le Corriere della Sera estime que « le plus grand écrivain français vivant réalise le miracle de mettre sa gêne, son écœurement envers le monde contemporain au service de pages émouvantes ». « Dans Sérotonine comme dans aucun autre de ses romans, Houellebecq s’avère être un grand romantique, une qualité pas toujours reconnue ».
Le quotidien de droite Il Giornale n’hésite pas à comparer Houellebecq au grand écrivain catholique Georges Bernanos. « Sérotonine est un nouveau chapitre d’une œuvre nécessaire pour comprendre où va le monde… et changer de direction », estime Il Giornale. L’auteur est « de retour avec un roman qui met en lumière la colère qui couve depuis longtemps dans les provinces françaises », écrit pour sa part The Sunday Times.
Dans son livre, affirme The Telegraph « l’enfant terrible des lettres françaises » ne fait rien de moins que « prédire le destin tragique de la civilisation occidentale ».
Pour le journal espagnol El Pais, « une des scènes centrales est le blocage d’une autoroute par des agriculteurs en colère contre Paris et l’Union européenne, grande pute, selon les mots du narrateur. La protestation se termine par un affrontement sanglant avec la police, comme si le sismographe houellebecquien avait anticipé » les heurts qui ont marqué l’actualité des derniers mois.
Le journal argentin La Nacion a vu lui aussi dans « Sérotonine » une « radiographie cruelle de la France troublée des gilets jaunes et de l’effondrement définitif de la démocratie sociale européenne ».
D.C avec AFP
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