Depuis leur quartier général, niché dans un immeuble vieillissant de la banlieue parisienne, plusieurs centaines d’enquêteurs du fisc traquent sans relâche les fraudes fiscales des plus grandes entreprises en France, à l’instar de McDonald’s et Google.
À la Direction des vérifications nationales et internationales (DVNI), ils sont 480, dont environ 350 dans cet immeuble de Pantin (Seine-Saint-Denis), à tenter de démasquer montages transfrontaliers complexes et autres tentatives d’escamoter l’impôt. Dans leur viseur : les grands groupes, cibles de la lutte anti-fraude que le gouvernement entend renforcer. Leur organisation, leurs comptes, leurs flux financiers… Ces enquêteurs accèdent au « cœur du réacteur » des entreprises, soulignent plusieurs d’entre eux, rencontrés par l’AFP dans le bureau de leur patron Marc Emptaz, au cinquième et dernier étage du bâtiment.
Dans le vaste local à la vue dégagée trône un coffre-fort où sont conservés les dossiers les plus sensibles. « On en a un beaucoup plus impressionnant que ça », plaisante Bénédicte Pogu, cheffe de la brigade économie numérique, informatique et conseil. C’est l’une des 25 brigades de la DVNI, chargées chacune d’un domaine d’activité précis (automobile, banque, agroalimentaire, etc.) et secondées par des consultants – internes – pour les dossiers les plus difficiles.
Vaste champ d’action des « vérificateurs »
Fraudes à l’impôt sur les sociétés et à la TVA, domiciliation dans des pays à faible pression fiscale, manipulations des « prix de transfert », autrement dit transactions transfrontalières entre filiales de multinationales visant à minorer leurs bénéfices, et donc l’impôt… Les artifices sont pléthoriques et laissent s’échapper des milliards d’euros au détriment de l’État, un sujet devenu particulièrement sensible en pleine opération de redressement des finances publiques.
Le champ d’action des « vérificateurs » est vaste, sur tout le territoire national, avec de fréquents contrôles in situ. Dans leur escarcelle, pas moins de 100.000 entreprises : celles ayant un chiffre d’affaires de 152,4 millions d’euros minimum (moitié moins pour les prestataires de services) ou un actif brut supérieur à 400 millions d’euros, ainsi que toutes leurs filiales (à 50% au moins).
Profilage des risques efficace
Seules un bon millier d’entreprises sont contrôlées chaque année, sur la base d’un profilage des risques qui s’appuie notamment sur le datamining (fouille et recoupement de différentes bases de données) ou des renseignements. « On n’y va pas juste comme ça en se disant « on verra ce que je vais trouver », explique Catherine Dewavrin, cheffe du service des consultants financiers internationaux.
Pour les plus grosses entreprises, l’objectif est d’éviter de tomber sous le coup de la prescription, trois ans en règle générale, précise Marc Emptaz. Sur le millier de contrôles, 10% débouchent sur un avis d’absence de redressement – « une blanche » dans le jargon. Le reste (90%) donne lieu à des rappels. Preuve d’un ciblage efficace, selon la DVNI.
Ces rappels représentent environ 3 milliards d’euros de droits et pénalités par an, dont 75% sont payés immédiatement. L’un des récents coups d’éclat de la DVNI a été le montant record de 1,25 milliard d’euros versé par McDonald’s en 2022 pour éviter des poursuites pénales pour fraude fiscale, selon un accord validé par la justice française. Le géant Américain de la restauration rapide avait été cerné après onze ans de contrôles assidus visant précisément à éviter la prescription.
La puce à l’oreille
D’autres grands groupes sont ou ont été dans le collimateur des vérificateurs, comme Google, McKinsey ou General Electric. Mais chut ! Marc Emptaz n’en dira pas plus, invoquant le secret fiscal, dans l’ « ADN » du service. Qu’est-ce qui leur met la puce à l’oreille ? Des variations importantes de chiffre d’affaires ou de rentabilité, par exemple. Et « chaque fois qu’il y a une restructuration, un rachat, une vente, on note ça dans un petit coin », souligne-t-il. En cas d’irrégularité, la DVNI préfère généralement un bon accord à un mauvais procès.
Comme pour McDonald’s, se multiplient notamment, sous la houlette du parquet national financier, les conclusions de conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP), accords négociés permettant aux entreprises de clore la procédure par une amende, sans déclaration de culpabilité. Mais avant l’épilogue, il faudra avoir résisté aux pressions.
« Les vérificateurs peuvent avoir devant eux les meilleurs avocats de la place (…) qui vous expliquent que vous n’avez rien compris et que vous allez voir ce que vous allez voir », raconte Marc Emptaz. « Parfois, on nous dit ‘‘Je connais bien votre patron’’, c’est un grand classique ». Je réponds : « Moi aussi, je le connais », rigole Catherine Dewavrin.
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