ANALYSES

Les pistes du gouvernement pour mieux maîtriser son immigration

octobre 17, 2024 5:45, Last Updated: octobre 17, 2024 17:27
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Chaque année, plus de 40.000 migrants en situation irrégulière sont enfermés dans des centres de rétention administrative (CRA) et pris en charge par des associations qui les informent de leur droit. Ces associations sont « juge et partie », selon le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, qui les accuse de prendre parti sur ces migrants devant être renvoyés dans leur pays.

Estimant être « trop généreux, sans être payé de retour », Bruno Retailleau a rappelé qu’en 2023, la France a délivré au Maroc 238.750 visas mais n’a obtenu « que 725 laissez-passer ». L’Algérie a, elle, obtenu 205.853 visas, et « n’a repris que 2191 de ses ressortissants », selon le ministre.

Bruno Retailleau souhaite également « avoir recours à des pays de transit pour y renvoyer des personnes impossibles à éloigner dans leurs pays d’origine », pour des raisons politiques, citant l’exemple de l’Afghanistan. Le ministère de l’Intérieur assume vouloir rester dans le cadre de la Loi immigration votée en début d’année, censurée par les Sages du Conseil constitutionnel.

Une ligne soutenue par le gouvernement. « C’est moi qui fixe la ligne » sur l’immigration, et « il y aura des mesures rigoureuses pour (la) maîtriser », a répondu le Premier ministre Michel Barnier aux critiques venant souvent de la gauche.

Les associations dans le viseur de Bruno Retailleau

Bruno Retailleau, qui affiche sa fermeté sur les questions migratoires, a visité la semaine dernière le CRA du Mesnil-Amelot en Seine-et-Marne, l’un des 25 établissements français dans lesquels des migrants, visés par une mesure d’éloignement, attendent d’être renvoyés ou libérés.

Dans ces lieux gardés par des policiers, des associations mandatées par l’État effectuent une mission d’information et d’aide à l’exercice des droits auprès des personnes retenues.

« Je considère que le conseil juridique et social aux personnes retenues dans les CRA relève de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) et non des associations, qui sont juge et partie », a déclaré Bruno Retailleau dans le Figaro Magazine.

En 2023, 46.955 personnes ont été enfermées dans des CRA, mais 59 % d’entre elles ont été libérées. Très souvent faute de laissez-passer consulaire, document indispensable fourni par le pays dans lequel l’étranger doit être renvoyé.

C’est ce qui s’est passé dans le cas de l’homme suspecté d’avoir tué une étudiante à Paris en septembre. Incarcéré pour un affaire de viol, ce Marocain visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) avait été placé à sa sortie de prison dans un CRA, mais avait été libéré après 75 jours faute alors de laissez-passer consulaire.

« Le problème c’est qu’il y a trop d’OQTF et donc trop de personnes dans ces centres de rétention qui mélangent des personnes qui n’ont rien à voir : des personnes dont le seul tort est d’être sans-papiers, d’autres dangereuses sur lesquelles il faudrait se concentrer », déplore la contrôleuse des prisons Dominique Simonnot.

Dans leur rapport annuel, les associations avaient relevé qu’il y était « de plus en plus difficile d’y faire valoir ses droits ». Elles constataient une augmentation des violences entre personnes retenues – certaines souffrant de problèmes psychiatriques lourds.

La prolongation de la durée en centre de rétention jusqu’à 210 jours

Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau souhaite prolonger jusqu’à 210 jours la durée de la rétention administrative des migrants en situation irrégulière.

« Pour les actes terroristes, la loi française prévoit déjà un délai pouvant aller jusqu’à 210 jours. Pour les crimes les plus graves, notre main ne doit pas trembler, il faut aller jusqu’à 180 jours, voire 210 jours », a déclaré Bruno Retailleau.

D’abord fixée à 10 jours en 1993, la durée en CRA a été portée de « manière exceptionnelle » à 90 jours avec la loi Collomb de 2018 et 210 jours, soit sept mois environ, en matière terroriste.

Il a en outre indiqué qu’il allait demander « aux préfets qu’ils fassent systématiquement appel de la libération d’un CRA, même si cet appel n’est pas suspensif ». Un étranger peut en effet faire appel de son placement par le préfet auprès d’un juge des libertés et de la détention dans les 48 heures.

Le nouveau locataire de la place Beauvau veut conditionner la « politique de visas à la délivrance des laissez-passer » consulaire, un document indispensable pour renvoyer un étranger dans son pays d’origine, indiquant qu’il allait « dialoguer » avec le ministre des Affaires étrangères.

Transferts de migrants dans des centres hors UE

Le ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau n’a écarté aucune solution à propos de « hubs de retour », des centres où transférer des migrants en dehors de l’UE, lors d’une rencontre avec les ministres de l’Intérieur européens.

Le ministre a toutefois distingué « différents publics » de migrants, laissant entendre qu’une telle mesure ne pourrait pas s’appliquer aux « demandeurs d’asile » en France, au nom du préambule de la Constitution de 1946. « Nous avons un ordre constitutionnel que d’autres pays européens n’ont pas. Je dois tenir compte de cet ordre », a-t-il déclaré.

« Pour le reste », dans « le cadre du droit européen et à droit constant », la « France accueillera toutes les solutions avec beaucoup d’attention », « j’aurai un regard bienveillant », a indiqué Bruno Retailleau.

Plus concrètement, Bruno Retailleau a surtout insisté pour la révision de la « directive retour » de 2008, une législation européenne qui harmonise les règles en matière de reconduite aux frontières.

Le ministre français accuse ce texte de rendre « quasiment impossibles » les retours de migrants. Il a plaidé pour qu’il soit revu « dans les quelques mois qui viennent », notant une « convergence » sur le sujet au sein de l’Union européenne.

Durcir les conditions de régularisation de sans papiers

Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau souhaite également durcir les règles de régularisation de certains sans papiers, en revenant sur une circulaire en vigueur depuis 2012, a-t-il indiqué dans un entretien au Parisien.

« Je vais envoyer dans les semaines prochaines deux circulaires aux préfets », a dit le ministre. « Une première qui précisera leur rôle de pilotage et la seconde qui remplacera la circulaire Valls », a-t-il détaillé en précisant: « Nous ne devons régulariser qu’au compte-goutte, sur la base de la réalité du travail et de vrais critères d’intégration ».

En vigueur depuis 2012, cette circulaire Valls permet aux préfets de régulariser à titre exceptionnel des personnes pour des motifs de « vie privée et familiale » (selon plusieurs critères : enfants scolarisés et présence en France depuis plusieurs années) ou au titre du travail (en justifiant notamment une présence sur le territoire depuis plusieurs années et un certain nombre de fiches de salaire).

« Il faudra une loi pour compléter la loi Immigration de janvier, en grande partie censurée par le Conseil constitutionnel, pour des raisons de forme », a-t-il redit.

Rien de plus que « ce qui a été voté » en 2024

Après l’annonce d’une nouvelle Loi immigration prévue début 2025, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a assuré qu’il ne souhaitait pas « aller au-delà de ce qui a été voté » l’an dernier et censuré par le Conseil constitutionnel.

« Il y a une loi qui a été votée à une écrasante majorité, il y a à peu près un an, par l’Assemblée nationale », « cette loi a été censurée pour des motifs de pure forme par le Conseil constitutionnel », a déclaré le ministre.

« Vous savez que les Français sont très divisés sur beaucoup de sujets. Il y a un sujet sur lequel ils sont très rassemblés […] : c’est la reprise du contrôle des flux migratoires, notamment pour l’immigration irrégulière », selon le ministre.

Bruno Retailleau a martelé vouloir diminuer les droits sociaux des migrants afin que le pays soit « moins attractif ». Il pourrait allonger la durée de résidence nécessaire aux étrangers pour bénéficier des prestations familiales et transformer l’aide médicale d’État, qui prend en charge certains soins médicaux, en aide « d’urgence ». Le ministre entend aussi durcir les conditions du regroupement familial.

« Mon souhait, c’est que la France ne soit pas plus attractive en matière d’immigration que le reste des pays d’Europe », a insisté mardi Bruno Retailleau.

Des « pistes » soutenues par le gouvernement

Les propositions sur l’immigration avancées ces derniers jours par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau sont des « pistes de l’exécutif » mais elles « devront être discutées » au niveau du gouvernement et au niveau européen, a affirmé la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Bruno Retailleau « a un objectif qui est double et qui répond à des attentes, je pense, extrêmement prégnantes aujourd’hui dans la société française. La première, c’est le besoin de protéger les Français […] et la deuxième, c’est une meilleure maîtrise des flux migratoires », a estimé Maud Bregeon lors du compte-rendu à la presse du Conseil des ministres.

« Ça fera l’objet de débats au sein du gouvernement. Mais c’est oui, aujourd’hui, des pistes qui sont suivies par l’exécutif et qui sont assumées », a-t-elle souligné.

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