Le monde merveilleux des épices chaudes

15 janvier 2017 00:35 Mis à jour: 15 janvier 2017 00:35

La cannelle, le clou de girofle et autres épices chaudes constituent de précieux médicaments pour se préserver du froid.

L’idée selon laquelle une plante possède de la chaleur trouve son origine dans la Grèce antique et les traditions thérapeutiques chinoises où la notion de température est l’une des bases fondamentales d’une bonne médecine. Avant l’avènement des essais cliniques, les anciens herboristes utilisaient leur sens du goût pour déterminer la fonction médicinale des plantes. Les herbes au goût aigre et amer ont été classées comme froides, tandis que les saveurs sucrées et épicées ont été assimilées au chaud.

Le concept de chaud et froid était pensé comme une interaction entre le yin et le yang où les plantes, dites chaudes, sont utilisées pour traiter des maladies dites froides –et inversement. Cet effort pour rétablir l’équilibre de la température est un sujet que l’on trouve dans les traditions de la phytothérapie où une herbe froide peut être couplée à une herbe chaude afin de répondre, efficacement, à une maladie et de prévenir les effets secondaires.

Ceci peut expliquer pourquoi on utilise plus souvent les épices chaudes en hiver. Tout comme nous utiliserions des plantes froides (comme le concombre ou le melon d’eau) pour nous rafraîchir par une chaude journée d’été, les épices chaudes (comme le gingembre et le piment de la Jamaïque) servent à nous réchauffer un matin hivernal.

Les herbes chaudes augmentent notre température interne et peuvent même nous faire transpirer. Quand le vent froid souffle et que notre corps et notre esprit deviennent paresseux, les herbes chaudes attisent notre feu interne.

Certaines plantes sont considérées comme tellement chaudes qu’elles ne doivent être utilisées que dans des circonstances extrêmes. Par exemple, la plante la plus chaude en herboristerie chinoise, l’aconit, est réservée pour une personne profondément assaillie par le froid. L’aconit est prescrit en cas d’urgence quand le yang est dévasté, ou qu’un patient a un cœur faible ou endommagé, qu’il est pris de vomissements ou présente des membres froids en raison d’une mauvaise circulation. Dans le cas contraire, l’aconit est considéré comme un poison.

De nombreuses autres herbes chaudes se prêtent à une utilisation quotidienne, se situant entre la nourriture et le médicament. Celles qui favorisent la digestion possèdent souvent un goût agréable et se cachent sans doute dans le placard de votre cuisine.

L’une des épices chaudes les plus précieuses de la planète est la noix de muscade. (Pixabay)

LA NOIX DE MUSCADE

L’une des épices chaudes les plus précieuses de la planète est la noix de muscade, qui concède, avec de petites quantités, une grande saveur aux plats. Selon l’ouvrage A Modern Herbal de Maude Grieve, la muscade favorise la digestion de ceux qui ont un estomac fragile. Utilisée à l’excès, elle peut provoquer une irritation. Une grande quantité de noix de muscade – trois cuillères à soupe ou plus – est connue pour déclencher un délire de longue durée, généralement désagréable, avec de la fatigue, des vomissements et des vagues d’hallucination.

La noix de muscade est utilisée, en toute sécurité, dans la nourriture et les médicaments depuis l’Antiquité. Malgré son nom, la noix de muscade n’est pas une noix et ne causera pas de problèmes aux personnes souffrant d’allergies. En plus de soulager les problèmes digestifs, la noix de muscade est également utilisée pour soulager la dépression, favoriser le sommeil et adoucir la mauvaise haleine.

Au Moyen Âge, la noix de muscade était très recherchée. Des nations puissantes en faisaient un commerce lucratif tout en cherchant à conserver le monopole. La noix de muscade est originaire d’Indonésie. Le contrôle de ces îles est passé par les Arabes, les Portugais, les Hollandais et les Britanniques, avec un retour aux Hollandais qui ont utilisé diverses méthodes pour en conserver l’exclusivité et faire monter les prix.

Le parfum séduisant de la muscade provient des huiles essentielles qui se dissipent rapidement une fois libérées. C’est pourquoi les épices fraîchement râpées ont un goût et une qualité médicinale supérieures aux poudres pré-emballées.

Les herboristes chinois disent que le gingembre frais permet de lutter contre la toux, la congestion nasale et la sinusite.(Pixabay)

LE GINGEMBRE

Alors que beaucoup de plantes, dites chaudes, sont relativement sûres, il est parfois préférable de les éviter. Le gingembre, par exemple, apaise les nausées ou soulage les crampes menstruelles. Mais il peut également déclencher une fausse-couche s’il est consommé en grande quantité aux premiers stades d’une grossesse délicate.

Comme la cannelle, qui doit aussi être utilisée avec prudence pendant la grossesse, le gingembre est une aide précieuse lors d’infections respiratoires par temps froid. Les herboristes chinois disent que le gingembre frais permet de lutter contre la toux, la congestion nasale et la sinusite. Le gingembre sec est adapté aux problèmes digestifs.

Le gingembre procure beaucoup de chaleur, sans être associé à la douceur de beaucoup d’herbes chaudes, mais sa saveur se marie bien avec des recettes sucrées et savoureuses. Il apporte un coup de fouet parfumé et épicé, stimulant effectivement l’action digestive.

Dans la plupart des recettes, on ôte la peau du gingembre, mais certains herboristes l’utilisent comme diurétique et pour résorber les œdèmes.

La cannelle est synonyme de délices sucrés. (Pixabay)

LA CANNELLE

La cannelle est synonyme de délices sucrés, mais, depuis des millénaires, c’est aussi un traitement contre la douleur et les problèmes digestifs.

Comme la noix de muscade, la cannelle provient également d’un arbre à feuillage persistant, originaire d’Asie du Sud-Est. Le cannelier est surtout connu pour son écorce douce qui s’enroule en séchant. La cannelle de Ceylan, originaire du Sri Lanka, est une variété plus douce et plus chère que l’écorce de Cassia, plus piquante et considérée comme un substitut de qualité inférieure.

Le cassia est la cannelle connue des médecins chinois antiques qui utilisaient cette épice dans de nombreuses formules classiques. La médecine chinoise utilisait tant les jeunes branches de cannelle (gui zhi) que l’écorce interne (rou gui) pour améliorer la circulation, traiter les crampes intestinales et utérines, les douleurs dorsales et articulaires et pour calmer la toux.

La cannelle est antibactérienne, antifongique et souvent utilisée pour traiter les infections des voies respiratoires supérieures. Son parfum épicé-sucré provient des huiles essentielles.

Selon la recherche moderne, la cannelle est un bon analgésique. D’autres études ont montré que la cannelle favorise l’équilibre de la glycémie et réduit la résistance à l’insuline. Il semblerait que la consommation quotidienne d’une cuillère à café ou plus de cannelle puisse réduire le mauvais cholestérol et les triglycérides.

L’anis étoilé ou badiane chinoise est facilement identifiable par ses gousses à huit pointes. (Pixabay)

L’ANIS ETOILE

Une autre aide à la digestion qui nous vient aussi d’Asie présente, cette fois, un goût de réglisse. L’anis étoilé ou badiane chinoise est facilement identifiable par ses gousses à huit pointes. Il vient de Chine et est utilisé dans la nourriture et comme médicament depuis des milliers d’années.

L’anis étoilé ne doit pas être confondu avec les graines d’anis, un parent du fenouil. Les graines d’anis sont également utilisées pour faciliter la digestion, mais elles sont plus douces que l’anis étoilé qui se prête davantage à des plats savoureux.

La firme pharmaceutique suisse, Roche, utilise des quantités énormes d’anis étoilé pour fabriquer son médicament contre la grippe, le Tamiflu. En 2005, le monde a connu une brève pénurie d’anis étoilé en raison de l’augmentation de la production, en réponse au SRAS et à la grippe aviaire.

La simple badiane peut également traiter le rhume et la grippe. Les fabricants de médicaments cherchent des variétés à teneur en acide shikimique élevé parce que celui-ci interfère avec la multiplication virale. Mais l’anis étoilé normal fonctionne également comme un antibiotique et un antifongique.

En raison de son arrière-goût anesthésiant, il est utilisé avec parcimonie dans les recettes culinaires. (Pixabay)

LE CLOU DE GIROFLE

Encore une plante aromatique qui nous vient du Sud-Est asiatique. Il stimule la circulation et la digestion, comme les autres épices chaudes de la planète. En raison de son arrière-goût anesthésiant, il est utilisé avec parcimonie dans les recettes culinaires.

Le mot «clou» vient du mot romain antique «clavus», se référant à la forme du bouton floral sec qui est souvent inséré dans des oranges pour une senteur saisonnière. Quelques clous de girofle, consommés après un repas, peuvent aider à la digestion et rafraîchir l’haleine.

En médecine, le clou de girofle est plus souvent utilisé sous la forme d’une huile qui est administrée en cas d’insomnie, de maux de dents et contre les parasites.

Le nom botanique, Angelica archangelica, fait référence à sa réputation de «racine du Saint-Esprit».(Wikimédia)

L’ANGELIQUE

La plupart des herbes chaudes connues proviennent d’îles aux épices tropicales. Bien qu’elle soit une racine chaude, l’angélique est originaire du Nord de l’Europe. Vous ne la trouverez généralement pas dans une tarte, mais dans certaines armoires à épices, car elle a un goût sucré-épicé. L’angélique, à l’arôme de caramel distinct, était autrefois populaire dans les confiseries et les liqueurs.

Le nom botanique, Angelica archangelica, fait référence à sa réputation de «racine du Saint-Esprit»: la plante a longtemps servi de protection magique. Comme son cousin chinois dong quai (Angelica sinensis), l’angélique est utilisée contre la douleur et les crampes menstruelles, mais elle n’est pas aussi efficace que dong quai pour s’attaquer au déséquilibre hormonal. En outre, l’angélique est également utilisée pour traiter les problèmes digestifs et les infections respiratoires.

(Pixabay)

LE MIEL EPICE

Dans les traditions phyto-thérapeutiques, faire un médicament peut être aussi facile qu’une infusion de thé. Beaucoup des plantes ci-contre se trouvent dans les thés épicés d’Inde ou d’Éthiopie qui sont souvent servis à la fin d’un repas.

En plus de l’eau chaude, d’autres médiums sont utilisés pour extraire la médecine des plantes dont l’alcool (teinture), le vinaigre et le miel qui, non seulement conservent ses propriétés à la plante, mais lui confèrent aussi les vertus cicatrisantes du miel.

Recette de miel épicé  

1 bocal de verre avec une large ouverture

1 demi-tasse de miel (si possible brut et de production locale)

4 cuillères à soupe de cannelle en poudre

½ cuillère à soupe de gingembre en poudre

½ cuillère à soupe de racine d’angélique poudre (facultative)

½ cuillère à café de muscade fraîchement moulue 

¼ à ½ cuillère à café poivre de cayenne (facultatif) 

Mélanger les ingrédients jusqu’à l’obtention d’une pâte homogène, l’utiliser comme le miel, sur une tartine ou dans une tasse de thé. Il sera particulièrement apprécié lors des journées froides.

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