Le régime chinois a déployé sa machine de propagande colossale pour renforcer son leadership dans sa « guerre totale » contre l’épidémie de coronavirus. Mais ses efforts ne semblent pas gagner le cœur et l’esprit de ses propres citoyens.
Les campagnes menées par les médias d’État chinois pour promouvoir une propagande « positive » sur les efforts de confinement de l’épidémie ont suscité de vives réactions en ligne, tandis que les personnes vivant sous confinement dans les régions durement touchées par le virus ont constamment exprimé leurs frustrations sur des messages en ligne qui sont souvent ensuite effacés par les censeurs d’Internet chinois.
Dans une vidéo diffusée en février par les médias d’État chinois, 14 infirmières de la province du Gansu, au nord-ouest de la Chine, se font raser la tête par mesure de précaution avant d’être envoyées en première ligne dans l’épicentre du coronavirus à Wuhan. Plusieurs ont pleuré pendant cette épreuve, tandis que d’autres avaient l’air visiblement bouleversées.
Les infirmières qui se sont soi-disant portées volontaires pour se soumettre à la démarche ont été saluées comme des héroïnes par les médias d’État. Pourtant, de nombreux internautes chinois qui ont vu la vidéo, qui a été vue des millions de fois, ont pensé différemment.
« Se raser en groupe […] utiliser leur sacrifice pour diffuser cette performance, puis créer un battage publicitaire – un tel acte est bien trop cruel », a écrit un commentateur chinois sur le site de médias Eastday, basé à Shanghai. Le Gansu Daily, média d’État qui a publié la vidéo, a ensuite supprimé l’article de Weibo, la plateforme chinoise de médias sociaux de type Twitter.
Mais l’indignation ne s’est pas limitée à l’Internet : dans la zone la plus touchée par le virus à Wuhan, les habitants, dans une rare manifestation de défi, ont exprimé leur mécontentement face à la manière peu conventionnelle dont les autorités ont géré l’épidémie.
Le 5 mars, lorsque Sun Chunlan, le vice-Premier ministre du pays, a visité un complexe résidentiel à Wuhan avec un groupe de fonctionnaires, les habitants qui étaient enfermés dans leurs appartements les ont accueillis en criant des plaintes depuis leurs fenêtres.
« C’est faux, tout est faux ! », a crié une femme. Leurs cris ont continué jusqu’à ce que les fonctionnaires sortent de l’enceinte.
Cependant, les autorités ont fait en sorte que cet épisode ne se répète pas lorsque le leader chinois Xi Jinping s’est rendu à Wuhan cinq jours plus tard. Des images circulant sur Internet montrent des policiers portant des combinaisons de protection contre les matières dangereuses et montant la garde à l’intérieur des appartements et sur les balcons. Dans un message sur la super-application chinoise WeChat, un responsable du comité local de résidence d’un complexe immobilier de Wuhan a déclaré que les agents resteraient dans les maisons des résidents pendant environ une heure pour « la cote de sécurité nécessaire ».
« Quiconque a l’esprit clair ne manquera pas de voir qu’il s’agit purement d’un spectacle d’inspection », a écrit le commentateur politique chinois Yuan Bin dans une colonne de l’édition chinoise d‘Epoch Times.
Le manuel de propagande de Pékin
Un document récemment divulgué par la province de Hubei, dont la capitale est Wuhan, a révélé que les autorités ont déployé d’énormes efforts pour resserrer le flux d’informations et donner forme au récit officiel en pleine épidémie.
Les autorités ont engagé au moins 1 600 trolls dans la seule province pour surveiller de manière agressive les discours en ligne et éliminer toute information critique à l’égard du régime.
L’objectif principal est de renforcer la « promotion du côté positif », d’après le document, en partie grâce à un mécanisme de propagande « de temps de guerre » en place pour contrôler l’opinion publique en ligne et hors ligne, « petite et grande », avec une « précision minutieuse ».
Les efforts de propagande, selon le document, devraient se concentrer sur la mise en lumière des mesures d’endiguement efficaces, et sur le fait de « raconter de façon vivante » les « actes émouvants » du personnel médical, des fonctionnaires, des policiers et des volontaires.
En outre, il est demandé à tous les médias d’intensifier la promotion des « figures exemplaires » et des héros des premières lignes de l’épidémie, l’objectif étant que chaque État et chaque province présente deux ou trois de ces modèles dans leurs reportages quotidiens.
Conformément à ces directives, les principaux médias de la province ont publié plus de 50 000 articles sur l’épidémie à la mi-février, selon le document, certains articles ayant été vus par des centaines de millions de personnes.
Mettant en avant la capacité du régime à gérer le virus, le gouvernement central a également déclaré 113 équipes médicales et 506 travailleurs médicaux comme « citoyens modèles ».
La vérité est le seul réconfort
Wang Zhonglin, le secrétaire du Parti communiste chinois (PCC) à Wuhan, a déclenché un déferlement de rage après avoir récemment fait appel à une « éducation à l’appréciation » approfondie pour apprendre au public à être reconnaissant envers le Parti pour son intervention face à l’épidémie.
« Le peuple de Wuhan est un peuple héroïque qui sait aussi être reconnaissant », a déclaré Wang le 6 mars, selon le quotidien Changjiang, affilié à l’État.
Cette remarque n’a pas plu aux habitants de la région. « La gratitude devrait être une initiative personnelle, n’est-ce pas ? » a dit Gao, un habitant de Wuhan à Epoch Times. « Sauver le peuple chinois est son obligation, la responsabilité fondamentale d’un gouvernement… pourquoi être reconnaissant ? »
M. Hu, qui vit dans le district de Jianghan à Wuhan, a déclaré que le fonctionnaire avait « inversé l’ordre des choses ». « Il devrait remercier les habitants de Wuhan », a déclaré M. Hu à Epoch Times.
De plus en plus de personnes, enfermées chez elles, se plaignent de la lutte pour obtenir des denrées alimentaires fraîches et subvenir à leurs besoins. Un résident, s’exprimant sous couvert d’anonymat, a déclaré qu’il sautait des repas tous les jours pour réduire ses dépenses.
« Ils nous ont enterrés vivants », a déclaré M. Xin, un habitant de Wuhan, au journal Epoch Times, ajoutant que certains prix des denrées alimentaires avaient été multipliés par dix. Les fonctionnaires, cependant, peuvent abuser de leurs privilèges et obtenir les produits au prix coûtant, a dit M. Xin.
M. Xin avait récemment filmé une vidéo pour protester contre leur manque d’approvisionnements, ce pour quoi il a été réprimandé par des officiers de police locaux. « Ils ne résolvent pas les problèmes, mais s’en prennent seulement aux personnes qui les posent. »
« Nous, les gens simples, nous ne pouvons que prier pour les bénédictions du ciel, nous vivons au jour le jour. »
Jiang, qui vit dans le district de Qingshan à Wuhan, le même secteur où les habitants chahutaient les fonctionnaires de leurs fenêtres, a qualifié le PCC de régime « le plus éhonté » du monde.
« Personne ne croit plus au PCC », a-t-il déclaré.
Zhang, également de Wuhan, pense que l’expérience des habitants de la région dans cette crise a rendu les gens moins disposés à coopérer avec le régime.
« Lorsque les habitants font circuler chez eux les images de policiers en combinaisons de protection contre les matières dangereuses, ils essaient de faire passer un message : nous ne pouvons pas parler, et n’osons pas parler », a-t-elle déclaré, en se référant aux mesures adoptées lors de la visite de Xi dans la ville.
« La vérité est le seul réconfort. »
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