Voter ou non avec les Israéliens, le dilemme des druzes du Golan

26 octobre 2018 10:36 Mis à jour: 26 octobre 2018 10:41

A Majdal Shams, en contrebas des habitations à flanc de montagne, une affiche électorale interpelle les habitants: cette petite ville druze du Golan est appelée à voter mardi, une première depuis l’occupation par Israël de ce plateau syrien en 1967. Majdal Shams et les trois autres localités druzes du plateau du Golan, au nord-est d’Israël, sont censées élire leur conseil municipal le 30 octobre, comme les villes israéliennes. Mais ici pas de meetings, ni de tracts: les candidats se font discrets. L’un d’eux, Dolan Abou Saleh, se contente de recevoir quelques habitants dans son QG.

Le sujet « est très sensible », justifie le quadragénaire. Plus de 50 ans après qu’Israël a pris à la Syrie la majorité du Golan, beaucoup craignent que l’Etat hébreu cherche, avec ces élections, à faire entériner son annexion du plateau en 1981, jamais reconnue par la communauté internationale. Quelque 23.000 druzes apatrides vivent encore sur la partie contrôlée par Israël. Ils ont perdu leur nationalité syrienne et beaucoup ont refusé la carte d’identité israélienne.

Dolan Abou Saleh l’admet: les appels à boycotter les urnes seront sûrement très suivis. Lui est proche du Likoud (droite), le parti du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, et pense que le scrutin est une chance pour les druzes du Golan, dont les villes et villages sont entourées de colonies où vivent quelque 20.000 Israéliens. Lors de ses deux précédents mandats, M. Abou Saleh a été placé à la tête de Majdal Shams, principale localité druze, par des membres du conseil local, désignés par le ministère de l’Intérieur israélien.

« Entre être nommé et être élu, il ne fait aucun doute que l’élection est plus démocratique », dit-il. Seuls les druzes possédant la nationalité israélienne peuvent être élus maire, explique Wael Tarabieh, responsable du programme culturel au centre des droits de l’Homme Al Marsad, basé dans le Golan. Les autres ont le statut de « résidents permanents » et peuvent seulement voter aux municipales. Al Marsad accuse les organisateurs du scrutin de violer l’article 43 de la convention de la Haye selon laquelle la force occupante doit respecter « les lois en vigueur dans le pays ». Mais ce sont pourtant des avocats druzes qui ont saisi la Cour suprême israélienne pour obtenir la tenue d’élections.

La guerre civile en Syrie a en effet profondément changé la nature du lien des druzes du Golan avec leur pays d’origine: si la plupart rêvaient jadis de retourner dans le giron de Damas et partaient faire leurs études dans les universités syriennes, certains, de la jeune génération, ont pris leurs distances avec la Syrie dévastée. Et se tournent avec pragmatisme vers Israël. Les dirigeants religieux druzes, une branche hétérodoxe de l’islam chiite, ont appelé il y a trois mois à boycotter les élections. Ils donnent traditionnellement le ton au sein de la communauté.

Sous la pression, trois candidats au poste de maire ont annoncé leur retrait ainsi qu’au moins sept colistiers sur diverses listes.  Dans les rues du village de Buq’ata, les portes se ferment face aux questions sur l’élection. « Nous ne participerons pas », marmonne furtivement une vieille femme, vêtue de noir et le visage entouré d’un voile blanc, vêtement traditionnel des druzes. « Notre identité est syrienne », renchérit Amal Abou Chahine, 47 ans, désignant un drapeau syrien tracé à la peinture sur un mur derrière lui. « Cette élection n’est pas pour nous ». 

« Je suis pour les élections. On est avec Israël maintenant, la Syrie c’est fini! », objecte un druze de 24 ans préférant rester anonyme. Il n’ira pas pour autant glisser un bulletin dans l’urne. « Il y a des gens qui vont vérifier qui va voter ou non », assure-t-il. Difficile d’être à contre-courant dans ces villages où tous se connaissent.  Dans sa maison au milieu des vergers de pommiers, Sameh Samara ne comprend pas les appels au boycott. Pour cet activiste politique, voter n’est qu’un moyen d’obtenir de meilleurs services et ne constitue en aucun cas une reconnaissance de la souveraineté d’Israël.

Il vaut mieux « choisir la bonne personne parmi les enfants du pays que d’avoir quelqu’un d’imposé, qui ne convient pas et qui n’est pas d’ici! », explique-t-il. M. Tarabieh est d’un tout autre avis. De son balcon d’où il peut contempler la petite ville de Majdal Shams, la frontière contestée est à environ 500 mètres. Derrière la barrière qui serpente dans les collines s’étend le territoire du Golan resté sous contrôle de la Syrie, où presque tous les habitants du plateau occupé par Israël ont laissé des proches.  Pour lui, la tenue d’élections « est une façon de reconnaître la présence fondamentalement illégale d’Israël ».

D.C avec AFP

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