« Attention à la grosse vague qui arrive, utilisez vos jambes ! », s’écrie Gabriella Lazzari tandis que ses élèves s’échinent à garder l’équilibre en essayant de ramer debout comme des gondoliers dans la lagune de Venise.
Gabriella fait partie d’un groupe d’une vingtaine de Vénitiennes qui s’emploient à transmettre l’art de ramer des gondoliers de la Sérénissime. « Nous emmenons nos élèves sur la lagune pour qu’ils puissent s’exercer au canotage de gondole sans percuter tout le monde », plaisante Jane Caporal, qui a fondé il y a huit ans l’association Row Venice pour perpétuer cette technique ancestrale.
Car « Venise est aujourd’hui envahie de moteurs, les gens ne rament plus dans leurs petits bateaux », déplore cette Australienne installée à Venise depuis 30 ans. Row Venice entend aussi promouvoir l’artisanat séculaire qui entoure la construction des bateaux vénitiens, de leurs avirons, de leurs dames de nage (qui permettent de fixer la rame), afin qu’il perdure, explique Mme Caporal.
A l’écart des canaux encombrés de « vaporetti » et de bateaux-taxis acajou, Yezi Jin, une comptable de 32 ans venue de Portland (ouest des Etats-Unis), s’entraîne, aux anges, à propulser d’un coup de rame son embarcation. « C’est dur, j’ai mal au dos, mais c’est tellement amusant ! ».
A ses côtés, son mari serre son aviron contre lui et tente vaillamment de suivre le rythme. « D’ici, on voit toutes les îles. C’est très différent du pont du Rialto, de la foule des touristes », dit Yezi Jin. Row Venice propose des leçons d’une heure et demie, pour 85 à 200 euros en fonction du nombre de participants.
La plupart des « gondolières » de l’association participent aussi à des courses professionnelles et « Row Venice » est devenue leur sponsor. Jane Caporal y voit un moyen de lutter à armes égales dans un sport et une profession dominés par la gent masculine. Il n’y a aujourd’hui qu’une seule gondolière à Venise, explique cette ex-analyste financière. Et elle a eu bien du mal à s’imposer pour transporter quelques-uns des 20 millions de touristes qui visitent la Cité des Doges chaque année.
« Le nombre de gondoliers certifiés est contrôlé par une association professionnelle, un cercle très fermé », explique Mme Caporal. Elle dit avoir choisi la « batela », embarcation traditionnelle en bois et à fond plat, parce qu’elle est plus stable et plus facile à manœuvrer qu’une gondole asymétrique. « J’ai acheté une batela à un club d’aviron, mais elle était hors d’usage. Elle avait été fabriquée par un maître artisan qui avait vu ce genre de bateau quand il était enfant et qui s’en souvenait », raconte-t-elle.
Tombée amoureuse de cette embarcation, Jane Caporal était prête à débourser les 14.000 euros nécessaires pour fabriquer une réplique à même de naviguer. Mais le maître artisan était mort et plus personne n’avait le savoir-faire. Les artisans qu’elle avait sollicités ont dû s’appuyer sur des plans obtenus auprès du musée d’histoire navale de la ville.
Sur la lagune, Gabriella Lazzari dispense ses conseils de navigation à ses élèves tout en les instruisant sur l’histoire de la ville. « C’est un plaisir de permettre aux touristes de vivre Venise au fil de l’eau, de leur expliquer les problèmes liés à la pollution ou à la montée des eaux », dit-elle.
Parmi les « calamités » auxquelles Venise est confrontée, elle évoque les dégâts causés par les inondations régulières dans les parties basses de la ville, comme la célébrissime place Saint-Marc, ou par les paquebots de croisière. L’un d’eux, après un problème de moteur, a heurté début juin un quai et un bateau touristique, ravivant la polémique sur leur présence dans la cité lacustre, inscrite au Patrimoine mondial.
« Je parle aussi des différents types de bateaux qui existaient jadis comme la mascareta, appelée ainsi parce qu’elle était utilisée par des « travailleuses » de la nuit masquées, ou les gondoles, qui étaient les taxis des riches », explique Gabriella. Les Doges, qui ont dirigé la République de Venise jusqu’au XVIIIe siècle, possédaient des navires dorés à deux ponts utilisés chaque année pour la cérémonie du « Mariage avec la mer » qui unissait symboliquement Venise et l’eau.
Des fêtes sont toujours organisées pendant les nuits d’été sur des bateaux dans la cité lacustre. Row Venice en sponsorise certaines. Les yeux brillants, Alice Hendricks, 71 ans, vient de terminer sa leçon. Conduire une embarcation à Venise, « c’était un rêve, devenu réalité », confie cette touriste.
D.C avec AFP
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