En une dizaine de jours, trois cortèges de métiers différents ont défilé tour à tour sous les fenêtres du ministère de la Justice, Place Vendôme. La garde des Sceaux Christiane Taubira est aujourd’hui dans une position délicate : cernée par les difficultés et critiques des corps de métiers qu’elle représente, sa popularité est également mise à mal dans l’opinion.
« Laxisme » : les chiffres et le jeu du vrai-faux
Parmi les critiques visant la garde des Sceaux depuis 2012 et ces derniers temps, un mot ressort au dessus des autres : laxisme. D’après Laurent Wauquiez des Républicains, les mesures proposées par Christiane Taubira ont conduit à « un désarmement pénal ». Le n°3 du parti de droite voit même dans la garde des Sceaux le « symbole d’une idéologie » cherchant à « ne pas condamner les gens ».
Pour autant, les chiffres parlent en faveur de la ministre. Entre 2012 – qui voyait le début de son mandat, et 2014, le nombre de détenus a grimpé de 64 787 à 66 270, soit une augmentation de 2,3%. Sur le nombre de condamnations prononcées, le chiffre est passé de 604 000 en 2011 à 610 000 en 2013. S’agissant du « désarmement pénal », la suppression des peines planchers visait à donner aux juges la capacité de décision et d’adaptation des peines – aucun chiffre ne mesure l’efficacité de la mesure.
Reste que le fait divers du policier tué par un détenu relâché a fortement marqué les esprits. « Un policier dans la foule me disait : « On en a ras le bol. On arrête les délinquants, la justice les libère, et ensuite ils nous tirent dessus » », indiquait un policier à une journaliste de France Télévision. Mais concernant la condamnation de la grande criminalité, là encore, les statistiques indiquent que le nombre de grands criminels est resté stable depuis l’arrivée de Christiane Taubira ; le nombre de sursis prononcés, partiels ou totaux, a même reculé de 1%.
Les critiques de laxisme prennent donc difficilement pied dans les faits : la complexité des instructions et des mécanismes permettant de juger et de condamner une personne ne se résument pas si facilement. Par exemple, on entend dire « la suppression des peines planchers a fait progresser la récidive ». « Ce n’est pas du tout le cas », réagit Laurence Blisson, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature. « Dans les faits, les récidivistes sont condamnés plus lourdement, ne serait-ce que parce qu’ils ont un casier judiciaire et que les antécédents sont évidemment pris en compte dans la sévérité de la peine ». Libération a ainsi compté pas moins de huit fausses déclarations faisant office de préjugés et montrant que les contre vérités font office de discours aussi bien de la part du gouvernement que de l’opposition.
Un problème de positionnement
D’après Céline Bracq, co-directrice de l’institut Odoxa, la « perception » de Mme Taubira dans l’opinion publique a « beaucoup évolué ». « Elle arrive deuxième derrière Marine Le Pen et à égalité avec Marion Maréchal Le Pen dans les personnalités qui suscitent le plus de rejet (52%, +6) », indique-t-elle, soulignant que seuls 47% des sympathisants de son propre camp la soutiennent.
La ministre s’est également fait remarquer pour ses positionnements unilatéraux dans des débats qui sont loin d’enthousiasmer la classe politique. Christiane Taubira aimerait ainsi qu’on discute ouvertement de la « légalisation du cannabis » et de la PMA. « J’appartiens à la gauche. Je me bats pour que nos idées soient victorieuses. Mon état d’esprit : livrer bataille », a-t-elle déclaré.
L’heure pour une telle déclaration ne pouvait pas être plus mal choisie, selon ses détracteurs, qui pour certains d’entre eux, évoquent un « suicide politique ». En effet, les avocats reprochent à la garde des Sceaux d’avoir fait passer en catimini la reforme de l’aide juridictionnelle, une mesure les incitant à financer l’accès au droit pour les plus défavorisés sur la caisse générale des avocats – un peu comme si les médecins devaient eux-mêmes financer la couverture maladie universelle.
Si l’on ajoute au tableau les revendications des gardiens de prisons qui travaillent toujours dans des conditions qui vont du mauvais au très défavorables (1 300 surveillants manquent toujours), la garde des Sceaux a encore fort à faire pour convaincre sur son action.
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