L’ancien directeur de cabinet de Marlène Schiappa a concédé mercredi devant une commission parlementaire que la ministre était intervenue pour écarter une association du Fonds Marianne de lutte contre le séparatisme, tout en démentant tout favoritisme dans la sélection des projets.
Lancé le 20 avril 2021 par Marlène Schiappa, alors ministre déléguée à la Citoyenneté après le choc causé par l’assassinat du professeur Samuel Paty, ce fonds, initialement doté de 2,5 millions d’euros, visait à financer des associations portant des discours de promotion des valeurs de la République pour lutter contre le séparatisme.
Sébastien Jallet était auditionné par la commission d’enquête du Sénat sur ce fonds controversé, au lendemain de la démission de Christian Gravel, le patron du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), structure administrative gérant ce fonds au sein du ministère de l’Intérieur.
Une tribune collective
Le comité de sélection des projets, qui s’est tenu le 22 mai 2021 et auquel n’a pas participé Marlène Schiappa, « a pour l’essentiel validé les propositions faites par l’administration », donc par le CIPDR, a assuré M. Jallet. Celui-ci a toutefois concédé qu’un dossier avait par la suite reçu un « arbitrage défavorable de la ministre », sans citer le nom de l’association.
Selon Mediapart, il s’agit de SOS Racisme. Interrogé par l’AFP mercredi, son président Dominique Sopo a indiqué que cela ne faisait pas de doute. « On avait appris au printemps 2021, oralement par un contact qu’on allait nous accorder 100.000 euros. Puis après, plus de son, plus de lumière. On n’a pas eu de subvention », a affirmé M. Sopo.
Selon lui, « l’audition de M. Jallet recoupe ce qu’on nous avait dit à l’époque » pour expliquer le refus : un « contentieux » personnel entre lui et la ministre après qu’il a signé une tribune collective publiée dans un quotidien et initiée par la Ligue des droits de l’Homme critiquant la loi dite « contre le séparatisme ».
M. Jallet, lors de son audition, a en effet expliqué cette « décision de non-sélection sur cette association » par une « mise en cause » de la ministre par « voie de presse ». Sollicité, l’actuel cabinet de Mme Schiappa n’a pu faire de commentaire dans l’immédiat.
Lorsque l’affaire sur le fonds Marianne a éclaté dans plusieurs médias fin mars début avril, Mme Schiappa s’était vivement défendue de tout manquement. « Le choix (des 17 associations lauréates, ndlr) s’est fait via l’administration, à la manœuvre dans le respect de toutes les procédures », indiquait le 6 avril un communiqué de son cabinet actuel. « Affirmer à tort qu’il s’agissait d’une décision ad hominem de Marlène Schiappa est totalement faux et démenti par la procédure », était-il dit.
Cet interventionnisme est également en contradiction avec l’une des conclusions du rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA) publié mardi. Celui-ci note que selon les « témoignages », « la ministre déléguée s’est effacée du processus, une fois passé le lancement officiel » le 20 avril.
Il se défend de tout favoritisme
Devant le Sénat, M. Jallet a par ailleurs démenti tout favoritisme envers la principale association bénéficiaire, l’USEPPM (Union fédérative des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire). « Le projet de l’USEPPM n’est pas un projet que le cabinet et moi-même sommes allés chercher », a assuré M. Jallet, affirmant qu’il était arrivé au CIPDR.
Mohamed Sifaoui, l’un des deux responsables de l’USEPPM, avait pourtant assuré en avril qu’il avait été encouragé à postuler « par les membres du cabinet de Mme Schiappa et par elle-même ». L’IGA, mardi, a dénoncé le « traitement privilégié » accordé par M. Gravel à cette association.
Également auditionné mercredi au Sénat, Julien Marion, le directeur de cabinet de la secrétaire d’État Sonia Backès, qui a désormais sous sa coupe le CIPDR au ministère de l’Intérieur, a assuré qu’à son arrivée au ministère en juillet 2022, il n’avait pas eu de la part de cette administration de « signalement particulier (…) sur le Fonds Marianne ».
Gérald Darmanin « a été informé par la secrétaire d’État de l’existence d’alertes à partir de la fin du mois de mars-début du mois d’avril » 2023, selon lui. La commission sénatoriale auditionnera M. Sifaoui mardi et Mmes Schiappa et Backès le 14 juin.
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