Le dernier peintre de tranche de livres connu au monde partage les secrets de ses images hypnotiques, peintes entre les bords des pages des livres, afin de préserver la magie de ce métier en voie de disparition.
Martin Frost, né à Londres, peint sur le bord des pages de livres dorés à l’or fin. Les pages sont ouvertes en éventail pour révéler son délicat travail. Aujourd’hui, Martin Frost, 72 ans, vit dans la ville balnéaire de Worthing, dans le sud de l’Angleterre, et travaille à domicile dans son atelier de peinture et de reliure.
« Je suis béni »
Dès son plus jeune âge, Martin Frost a été familiarisé avec le monde de l’art.
« Mon père était portraitiste professionnel et ma mère était gérante d’un magasin d’art », raconte-t-il à Epoch Times.
Comme il y avait toujours de la peinture et du dessin à la maison, Martin Frost a baigné dans le troisième art dès son plus jeune âge.
« Les enfants à l’école sont heureux de peindre, mais plus tard dans la vie, ils deviennent moins confiants, et devenus adultes, ils ne le font tout simplement plus … Ils ont peur de faire une erreur. Je n’avais pas peur… Je suis béni par mes parents, j’ai de la chance. »
Martin Frost a fréquenté une école d’art avec l’intention de devenir peintre. Cependant, il a découvert plus tard qu’il voulait davantage être décorateur de théâtre et s’est donc orienté dans ce domaine.
Alors qu’il travaillait comme décorateur de théâtre dans les années 1970, son voisin et collègue Don Noble lui a fait découvrir la peinture sur tranches de livres.
« Il m’a montré ce qu’il faisait », raconte Martin Frost. « Et j’ai été assez impressionné. »
Malgré de longues heures de travail au théâtre, Martin Frost a décidé d’essayer cet art unique. Avec les conseils de Don Noble, il s’est rapidement familiarisé avec cette forme d’art, la technique étant assez simple.
« Il se trouve que je suis assez doué pour le dessin, donc je pouvais faire une image correcte. Il ne restait plus qu’à apprendre comment la mettre sur un livre de manière à ce qu’elle s’éclipse… C’est ça qui est astucieux.«
« J’en ai fait quelques‑uns, je les ai montrés à quelques libraires et ils ont dit : ‘C’est exact, oui, nous pouvons vendre ce travail.’ Ce travail a lentement pris le dessus dans ma vie et le théâtre a disparu. Ma femme travaillait aussi dessus, nous gagnions tous les deux de l’argent, alors nous avons fait en sorte que ça marche… La plupart des gens passent par plusieurs emplois, mais je me suis tenu à celui‑ci pendant un demi‑siècle ! »
Un artisanat réfléchi
Les premières versions de la peinture sur tranche de livres proviennent de Londres, en Angleterre, au milieu du XVIIe siècle et cela reste un artisanat britannique.
Alors qu’un côté de chaque page d’un livre est relié au dos, les trois autres peuvent être peints. Martin Frost fait la différence entre la peinture sur simple, sur double, sur double fendu et sur tout le bord avant, selon le nombre d’images peintes et les directions dans lesquelles elles sont révélées.
« Il y a plus de choses à élaborer. »
Martin Frost et ses prédécesseurs ont toujours préféré l’aquarelle aux peintures à l’huile et aux peintures plastiques, car une touche légère et un pigment doux sont nécessaires pour ne pas alourdir les pages.
Lorsque Martin Frost a commencé à peindre les tranches de livres dans sa vingtaine, il travaillait sur des livres du XIXe siècle reliés en cuir et aux pages dorées, parfaits pour éclipser son travail.
« Dans le passé, j’ai fait toutes les bibles et les livres de prières avec des scènes religieuses, ils ont été très appréciés. Une grande partie de mon travail porte sur les premiers poètes… les livres de sport, les livres romantiques… En ce moment, c’est Harry Potter. »
Martin Frost a produit 3500 peintures à ce jour, en 50 ans de perfectionnement. La réalisation d’une commande peut prendre entre 12 heures et une semaine, en fonction de la taille et de la complexité du livre et de la nécessité de le dorer et de le relier. Bien que Martin Frost soit un expert en la matière, son travail n’est pas sans difficultés.
« Je travaille sur de nombreux morceaux de papier, il est difficile d’empêcher la peinture de passer entre chaque feuille. Si vous regardez une coupe transversale, il y a presque un ensemble d’escaliers… Je peins sur ces escaliers, et la peinture veut aller à l’intérieur du livre. »
L’autre défi est que certaines des pages des vieux livres peuvent être grasses ou spongieuses, et alors que l’aquarelle est traditionnellement un support très humide, Martin Frost doit aborder sa peinture différemment.
« Elle ne peut pas être humide parce que ça ne marche pas. Ça rentre dans le papier, ça le gondole et ça a tendance à enlever l’or. Cela signifie également que vous devez travailler plus lentement, car vous déposez de petits morceaux de peinture assez sèche, ce n’est donc pas une technique rapide. »
L’aquarelle ne pardonne pas
« Vous ne pouvez pas faire d’erreur. Quand vous faites une marque, c’est votre marque, vous êtes coincé avec elle. Vous ne pouvez pas la repeindre… Vous devez être très attentif à ce que vous faites. »
Un artisanat en voie de disparition
Martin Frost partage son art captivant sur son site Web et sur Instagram. La réaction la plus fréquente à ses peintures qui s’éclipsent est « Wouah, nous ne l’avons pas vu venir. »
« C’est ça la magie. »
La plupart des gens sont un peu confus et se demandent s’il y a une pile pour que cela fonctionne. Mais il assure qu’il n’y a rien de tel et qu’il s’agit simplement de peinture.
« Mon projet sur Instagram consiste à mettre en place des archives, un registre de travail au fil du temps, ce qui est un peu inhabituel. La plupart des peintres d’avant‑garde, nous ne savons pas qui ils étaient. Ils ne signaient jamais leurs œuvres… Maintenant, je suis heureux d’en parler et de dire que c’est moi, et toutes mes œuvres ont une signature… Un petit symbole que j’appose sur la peinture. »
De temps en temps, des critiques lui demandent pourquoi il fait des peintures qu’on ne peut pas voir ou pourquoi il défigure un vieux livre, mais la réponse de Martin Frost est simple : son art est un hommage affectueux aux mots entre les pages et le seul but de sa profession est de « faire rêver les gens ».
Martin Frost a été répertorié comme « artisan en voie de disparition » par l’Heritage Crafts Association, mais sa plus grande distinction à ce jour est un MBE (Member of the British Empire) décerné au château royal de Windsor, en Angleterre.
« C’est ma fille qui m’a vraiment incité à le faire. Elle a pensé que ce serait une bonne publicité pour moi d’essayer d’obtenir une sorte de reconnaissance de la part du Palais, étant donné que je suis le dernier représentant de cet art. Ils sont revenus et ont dit : ‘Oui, vous êtes retenu.' »
Martin Frost s’attendait à recevoir son MBE des mains du prince Charles, mais lorsqu’il est arrivé au château de Windsor avec sa femme et sa fille, c’est la reine d’Angleterre qui l’a accueilli. « Je suis revenu le jour même dans mon costume complet, avec ma médaille sur la poitrine, et je suis entré dans la maison de retraite pour voir ma mère. Elle a adoré, elle a dit à toutes les autres personnes de la maison de retraite : ‘C’est mon fils !’ »
Un certain nombre de nouveaux artistes se sont lancés dans diverses formes de peintures avant-gardistes au cours des cinq dernières années, explique Martin Frost, mais aucun ne réalise des peintures qui s’éclipsent. Comme le marché autrefois florissant a diminué, Martin Frost doit assumer seul la charge de travail.
Semi‑retraité, il espère pouvoir passer le relais. C’est pourquoi, depuis 15 ans, il organise des ateliers en personne dans de nombreux pays européens tels qu’Amsterdam, la Belgique, la France et à travers les États‑Unis, afin d’encourager d’autres personnes à adopter ce métier et à contribuer à la relance du marché.
« Personne n’a jamais vraiment reconnu la peinture de tranche de livres parce qu’elles sont cachées. Vous ne pouvez pas accrocher ce genre de peinture sur un mur, elles ne sont pas dans des galeries. Il faut que ce soit moi qui vous les montrent. Le temps me manque, même si je ne prendrai jamais ma retraite tant que je pourrai peindre. »
(Avec l’aimable autorisation de Martin Frost @foredgefrost1)
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