Une liaison radio et puis plus rien… Il y a 40 ans, Alain Colas, à bord de son bateau Manureva, disparaissait en mer alors qu’il naviguait en tête de la première édition de la Route du Rhum. Un marin, une chanson et une légende à jamais. C’est au large des Açores et au cœur de la tempête qu’Alain Colas a dit ses derniers mots, le 16 novembre 1978, après 11 jours de mer: « Je suis dans l’œil du cyclone. Il n’y a plus de ciel, tout est amalgame d’éléments, il y a des montagnes d’eau autour de moi ».
Alain Colas n’a jamais été retrouvé. Ni son bateau Manureva (qui signifie « Oiseau des îles » en tahitien).Ce drame de la mer a provoqué une émotion si forte que le marin visionnaire est entré dans la légende, lui qui a écrit les premières et belles pages de la course au large française avec son mentor Eric Tabarly, disparu en mer il y a 20 ans. Alain Colas avait 35 ans, une femme et 3 enfants.
Teura, sa veuve, vit chaque jour avec cette disparition. « J’ai vécu si intensément toutes ces années, j’ai fait des dépressions, ça fait partie de ma vie. C’est mon vécu », confie Teura Colas à l’AFP. « C’est spécial une disparition en mer, tu ne peux rien faire, tu ne le revois plus », poursuit la Tahitienne pour qui « Alain n’est pas mort, Alain a disparu corps et biens ».
Leur fille Vaimiti avait 4 ans quand le navigateur a disparu. Les jumeaux, Tereva et Torea, étaient âgés de 8 mois. Ils ont aujourd’hui 40 ans. « Les enfants souffrent énormément, ils disent: notre papa c’est un fantôme, on ne veut plus en entendre parler », dit Teura, qui, dès sa rencontre en 1971 avec Alain Colas, savait qu’il pouvait périr en mer. Mais elle aussi avait des rêves de grand large et comprenait la passion qui animait le navigateur qui n’avait pas peur.
« Je lui disais souvent: quand tu ne seras plus là, qu’est-ce que je deviendrais ? Il me répondait: tu verras le temps fait bien les choses. La veille du départ, on s’est aimé pour la dernière fois. Il avait son petit sourire charmant au coin des lèvres », se souvient Teura. « Reste heureuse : c’est ce qu’il m’a dit avant de partir à Saint-Malo », raconte-t-elle, avec des grands sourires et des éclats de rire. « C’est un macho-marin-skipper-gentleman. Avec ce côté anglais que j’adorais ».
Son côté anglais, Alain Colas, né dans la Nièvre d’un père faïencier, le doit à ses années passées à Sydney, où il enseignait la littérature française. C’est là qu’il a rencontré Eric Tabarly, qu’il suivra ensuite dans ses aventures, avec également un autre marin de renom, Olivier de Kersauzon. C’est d’ailleurs sur un bateau de Tabarly, le Pen Duick IV, rebaptisé Manureva, qu’il signe un exploit retentissant en faisant le premier tour du monde en solitaire en multicoque. Parti le 8 septembre 1973 de Saint-Malo, il fait une escale à Sydney et revient à bon port le 28 mars 1974, explosant de 32 jours le record de Sir Francis Chichester.
Après plusieurs faits d’armes, il construit un voilier avant-gardiste de 72 m, un quatre-mâts baptisé Club Méditerranée, équipé d’un ordinateur et fonctionnant avec des énergies propres. En 1976, il participe à la célèbre Transat anglaise après avoir subi une vingtaine d’opérations pour ne pas perdre son pied droit, sectionné à bord de Manureva. La course se passe mal, il est déclassé par les Anglais. En 1978, il est avec Kersauzon à l’origine de la Route du Rhum, conçue par Michel Etevenon pour narguer les Anglais.
Le 5 novembre 1978 il prend le départ pour ne plus revenir. Un an plus tard, la star de la chanson française Alain Chamfort chante une mélodie, dont les paroles ont été écrites par Serge Gainsbourg, « Manureva ». Alain Colas entre définitivement dans la légende. « La majorité des gens n’ont pas fait la relation avec la disparition, c’est ça qui est un peu étrange. Les sons, les sonorités passaient bien. Il y avait des gens qui pensaient que c’était une jeune fille qui arrivait », souligne Alain Chamfort, à propos de son plus grand succès (un million d’exemplaires vendus).
« Au début, j’étais sceptique à l’idée de chanter sur quelque chose qui tenait du fait divers un peu morbide, on ne sait pas trop ce qu’il s’est passé. Mais ce thème-là posé sur la musique avait proposé un vrai intérêt, ça avait débordé le contexte strict de la chanson », ajoute l’artiste qui chantera encore et toujours cette chanson lors de son prochain concert parisien le 19 mars 2019 (à La Cigale). Une chanson qui fait aussi partie de la vie de Teura Colas, sur laquelle aujourd’hui, elle danse.
D.C avec AFP
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