La France aura-t-elle bientôt un gouvernement ? Depuis six semaines, le pays navigue sans cap ni ministres de plein droit, un entre-deux inédit que le Président Emmanuel Macron est accusé de faire durer alors qu’approchent de cruciales échéances budgétaires.
Privé de majorité à l’Assemblée à la suite de sa dissolution ratée, le chef de l’État a dû se résigner à la démission mi-juillet du gouvernement de Gabriel Attal, réduit depuis à gérer les affaires courantes.
Mais il rechigne toujours à nommer un Premier ministre issu de la coalition de gauche Nouveau Front populaire (NFP), arrivée en tête des législatives le 7 juillet en restant toutefois très loin de la majorité absolue.
La trêve olympique refermée, M. Macron a convié pour ce vendredi l’ensemble des chefs de partis à une « série d’échanges » pour tenter de former un gouvernement, mais sans cacher son peu d’entrain. « On n’a pas envie que la vie reprenne ses droits », avait-il lâché après les JO.
Ces consultations ne s’ouvrent pas sous les meilleurs auspices. Force dominante au sein du NFP, La France insoumise (LFI, gauche radicale) menace d’ores et déjà d’engager une procédure de destitution du président pour protester contre son « coup de force institutionnel contre la démocratie » et son refus de se plier au verdict des urnes. L’initiative aurait peu de chances d’aboutir et n’a pas fait florès ailleurs à gauche mais elle en dit long sur la fragmentation politique d’un pays.
Trouver à droite l’oiseau rare
Pressé de toutes parts, le chef de l’État semble chercher à droite l’oiseau rare qui lui permettrait de former un gouvernement de coalition et d’éviter une cohabitation houleuse avec la gauche qui propose comme Première ministre Lucie Castets, haute fonctionnaire inconnue du grand public.
« Emmanuel Macron espère que le temps fera émerger des alliances qui ne semblent actuellement pas possibles aujourd’hui », analyse pour l’AFP le politologue François Miquet-Marty. « Mais c’est un maître des horloges très contraint parce que le temps ne joue pas pour lui. »
Le président semble toutefois avoir du mal à accepter cette nouvelle configuration où il n’a plus les coudées aussi franches. « Emmanuel Macron doit cesser de jouer la montre », tançait un récent éditorial du quotidien de centre-gauche Le Monde, l’exhortant « à montrer qu’il a écouté les Français en nommant un Premier ministre reflétant leur choix ».
Selon la politologue Anne-Charlène Bezzina, l’impatience qui grandit en France tient au fait qu’aucun prétendant naturel au poste de Premier ministre n’a émergé à l’issue des législatives, qui n’ont dégagé aucune majorité absolue. Le système politique français « nous a habitués à des alternances plus évidentes », dit-elle à l’AFP.
Équation complexe
L’équation s’annonce également complexe du fait de la dégradation des finances publiques du pays. Lestée par l’envolée de sa dette, la France fait l’objet, comme six autres pays, d’une procédure de l’Union européenne pour déficit excessif et doit, d’ici au 20 septembre, présenter à Bruxelles son plan à moyen terme pour retourner dans les clous.
Parallèlement, l’exécutif doit déposer le 1er octobre au plus tard son projet de budget pour 2025 qui nécessitera de douloureux arbitrages. Début mars, le gouvernement démissionnaire avait chiffré à « 20 milliards d’euros » le montant des économies que l’Etat et les collectivités devront consentir l’année prochaine. Mais nul ne sait si cet objectif sera repris par la prochaine équipe gouvernementale.
Ailleurs en Europe, d’autres pays ont su naviguer de longues semaines sans gouvernement au prix d’alliances ponctuelles pour faire tourner la machine et adopter des textes.
En 2010-2011, la Belgique avait vécu 541 jours sans gouvernement de plein exercice, un record qui ne l’avait pas empêché d’envoyer des militaires en Libye. Rebelote en 2020 : les Belges avaient dû patienter seize mois après les législatives avant qu’émerge une nouvelle équipe ministérielle.
Rien de tel en France. « On est encore loin d’un modèle de coalition à l’allemande qui nécessiterait une maturation et la constitution de contrats de gouvernement », relève M. Miquet-Marty, même si tout n’est pas figé selon Mme Beschizza. « La culture du compromis se forge quand on est au pied du mur. »
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