La décision du roi de Jordanie Abdallah II de récupérer des zones prêtées à Israël en vertu de leur accord de paix a été dictée par des pressions intérieures et un contexte économique difficile, estiment des experts. Ces derniers mettent en garde contre une possible crise entre les deux pays voisins qui ont signé la paix en 1994.
Dimanche, Abdallah II a annoncé que son pays avait notifié Israël de sa volonté de récupérer deux secteurs frontaliers: Baqoura, à l’est du Jourdain dans la province d’Irbid (nord), et Ghoumar dans la province d’Aqaba (sud). Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a répondu qu’il voulait ouvrir des négociations pour maintenir le statu quo. Amman a dit être prête à parler avec Israël tout en insistant sur son droit de récupérer ses terres.
Après la guerre israélo-arabe de 1967, Israël a occupé des territoires jordaniens dont Ghoumar. Il s’était emparé de Baqoura lors d’une infiltration en territoire jordanien en 1950. Lors des négociations de paix, la Jordanie a accepté de maintenir pendant 25 ans ces deux secteurs sous contrôle israélien mais avec une reconnaissance de la souveraineté jordanienne. Les Israéliens y avaient construit des infrastructures ainsi que des installations agricoles. Le délai de 25 ans est renouvelable automatiquement si aucun des deux camps ne donne un préavis pour mettre fin aux dispositions de l’accord.
L’annonce d’Abdallah II est intervenue à quelques jours de la fin du préavis. « Le roi avait deux choix: soit risquer une crise avec Israël, soit risquer une agitation de la rue et une aggravation de la situation interne », affirme à l’AFP Oraib Rantawi, directeur du Centre Al-Quds pour les études politiques à Amman. « La rue gronde pour de multiples raisons surtout économiques et (les Jordaniens) n’ont pas besoin de nouvelles crises ou déceptions », ajoute l’expert.
Le royaume, largement dépendant des aides étrangères et dépourvu de ressources naturelles, est en proie à une crise économique avec 18,5% de chômage, 20% des habitants vivant à la limite du seuil de pauvreté et des hausses de prix répétées. Des manifestations et des mouvements de protestations de députés, de partis, de syndicats et de militants pour récupérer Ghoumar et Baqoura ont précédé l’annonce du roi.
« Revenir sur cette décision (du roi) est impossible, et coûterait cher à la stabilité de la Jordanie et à la direction jordanienne », selon M. Rantawi. De nombreux Jordaniens ont exprimé leur joie après cette annonce. « Le peuple jordanien est heureux de cette décision courageuse », a dit à l’AFP Mohammed Hassan, un enseignant.
Souad Youssef, femme au foyer, l’a qualifiée de « moment historique ». Pour Kirk H. Sowell, analyste auprès de la firme Utica Risk Services, « c’est le moins que le roi puisse faire s’il veut jouer la carte du nationalisme ». Il y a quatre mois, une délégation parlementaire du bloc islamiste de l’opposition al-Islah s’est rendue à Baqoura où les Jordaniens doivent obtenir une autorisation pour entrer.
A la tête de la délégation, Salah al-Armouti, a déclaré à l’AFP que « la décision est celle du roi, du gouvernement du peuple et du Parlement. Nous la soutenons fermement et la défendrons ». « Nous allons encore aller plus loin en réclamant l’annulation de tous les accords signés avec l’ennemi sioniste », a-t-il ajouté. Le peuple jordanien dont plus de la moitié est d’origine palestinienne est opposé à l’accord de paix avec Israël.
Baqoura est une zone de quelque 6 km2 située à l’est du Jourdain, tandis que Ghoumar est une zone de 4 km2 environ. Israël y cultive entre autres céréales, fruits et légumes. M. Rantawi n’exclut pas qu’Israël « entrave l’application de la décision » jordanienne. « La Jordanie pourrait être confrontée à une bataille politique, économique et juridique avec Israël », selon lui. « Netanyahu veut des négociations pour prolonger le contrat, ce qui serait un choix suicidaire pour la Jordanie ».
Les relations entre les deux pays sont tendues depuis un incident impliquant un garde de l’ambassade israélienne à Amman, qui a tué deux Jordaniens en 2017. M. Sowell estime toutefois qu’Israël ne dispose pas de moyens légaux pour contester la décision jordanienne. « Israël peut réagir, en coupant (par exemple) l’eau ou en arrêtant d’obtenir des soutiens au Congrès (américain) pour la Jordanie, mais le fera-t-il? Le mieux pour lui est de se résoudre à accepter (la décision jordanienne) même à contrecœur ».
D.C avec AFP
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