Le constructeur japonais Mitsubishi Motors, dernier venu dans l’alliance Renault-Nissan, se prononce lundi sur le sort du président de son conseil d’administration, Carlos Ghosn, quelques jours après sa révocation de Nissan pour des malversations financières présumées. MMC avait été prompt à annoncer « une réunion pour voter » le départ du tout-puissant patron de 64 ans, dans la foulée de son arrestation à Tokyo il y a tout juste une semaine et des graves accusations portées à son encontre par Nissan sur la base des résultats d’une enquête interne.
Le conseil a démarré à 07H30 GMT au siège du groupe, en présence de sept membres, dont le dirigeant exécutif Osamu Masuko et deux responsables de Nissan, son principal actionnaire avec 34% de capital. Plus petit du trio avec 1,2 million de voitures vendues par an, Mitsubishi Motors s’apprête donc à se séparer de celui qui avait volé à sa rescousse en 2016 au moment où il était fragilisé par un scandale de falsification des données. A l’issue de cette réunion, Carlos Ghosn ne sera officiellement plus que PDG de l’Alliance et du groupe automobile français Renault, où un audit a été lancé pour vérifier ses rémunérations, selon le gouvernement français.
« Tant qu’il n’y a pas de charges tangibles », M. Ghosn ne sera pas démis de sa fonction, a précisé le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire. La direction intérimaire est assurée par le numéro deux, Thierry Bolloré. Nissan, de son côté, a tranché jeudi à l’unanimité, « en se fondant sur l’abondance et la nature convaincante des preuves », selon les propos d’un porte-parole. Même les deux anciens de Renault, Jean-Baptiste Duzan et Bernard Rey, désormais à la retraite, ont opté pour la révocation de l’ancien homme fort de la compagnie japonaise.
Hiroto Saikawa, l’actuel patron exécutif de Nissan, a adressé lundi un message aux salariés au cours d’une réunion au siège à Yokohama, en banlieue de Tokyo, et retransmise sur les autres sites du groupe. Selon une source proche de la compagnie, il a exprimé une nouvelle fois le « choc » qu’il avait ressenti et assuré faire son possible pour que l’affaire touchant Carlos Ghosn « n’affecte pas les relations au sein de l’alliance » ni « les opérations au jour le jour » de Nissan. Mais il a aussi tenu dans le même temps à souligner « l’inégalité » dans la structure, tant les pouvoirs son concentrés dans les mains d’un seul homme, ce qui empêche toute discussion stratégique entre Renault et Nissan.
M. Saikawa fera mercredi le déplacement aux Pays-Bas, où doit se tenir une réunion de l’alliance, alors que des salariés et analystes se font l’écho de tensions et rancœurs accumulées au fil des ans chez Nissan. Le principal intéressé, toujours en garde à vue dans une prison du nord de Tokyo, nie, lui, les allégations. A ce stade, Carlos Ghosn est entendu par le parquet sur des soupçons de dissimulation de la moitié de ses revenus chez Nissan dans des documents remis par le groupe aux autorités financières japonaises entre 2011 et 2015.
Le montant concerné porte sur 5 milliards de yens (environ 38 millions d’euros) mais, d’après des médias, il aurait aussi minoré ses émoluments dans les trois exercices comptables suivants, ce qui porterait la somme non déclarée à 8 milliards de yens, sans compter 4 milliards découlant de plus-values sur des titres financiers. D’après des sources citées par le quotidien économique Nikkei, M. Ghosn percevait 2 milliards de yens par an au titre de PDG de Nissan jusqu’à début 2010, une rémunération qui n’était pas rendue publique à l’époque.
A cette date, une loi a changé les choses, et c’est à ce moment-là que M. Ghosn aurait abaissé sa rétribution à environ 1 milliard de yens pour éviter les critiques, tout en reportant le paiement du milliard restant une fois qu’il se serait retiré. Tout ceci avec la complicité de son bras droit Greg Kelly, actuellement en détention et qui dément également les accusations. Selon les résultats de l’investigation menée dans le plus grand secret par Nissan au cours des derniers mois, le patron de l’alliance est aussi soupçonné d’abus de biens sociaux, mais il n’est officiellement pas interrogé à ce sujet pour l’instant. Il le serait ultérieurement si une nouvelle procédure d’interpellation était lancée, prolongeant ainsi sa période de détention.
D.C avec AFP
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