C’est le père de l’instrument principal de la mission InSight qui doit se poser lundi sur Mars: le géophysicien français Philippe Lognonné affiche sa « confiance » dans la réussite de l’atterrissage de la sonde américaine chargée de déployer son sismomètre sur la planète rouge. Si ce moment critique se passe bien, le géophysicien barbu de 55 ans, posé et tenace, pourra enfin entrer dans le vif du sujet, après 30 ans passés à travailler notamment à la mise au point de sismomètres très sensibles destinés à Mars.
L’instrument SEIS (Seismic Experiment for Interior Structure), dont il a la responsabilité scientifique, est « une oreille qui va écouter les vibrations du sol grâce à ses capteurs sismiques et les vibrations de l’air grâce à un très bon capteur d’infrasons », explique à l’AFP le chercheur CNRS interrogé dans son bureau de l’Université Paris-Diderot où il enseigne. Sur sa table trône une petite maquette démontable de l’atterrisseur InSight, avec notamment SEIS et le bouclier éolien qui doit protéger l’instrument des vents martiens.
« Ce n’est pas la première fois que l’on envoie des sismomètres sur Mars. Cela a été fait avec les deux missions américaines Viking » au travail sur la planète en 1976, avec chacune un sismomètre, rappelle le chercheur de l’Institut de Physique du Globe de Paris. Ils étaient fixés sur le pont des atterrisseurs, à un mètre de la surface. « L’un n’a pas fonctionné et le second n’a pas fourni de données exploitables pour la science. Le jour, il détectait les vibrations de l’atterrisseur et la nuit, il n’était pas assez sensible » pour enregistrer les tremblements martiens.
Conçu sous l’égide de l’agence spatiale française Cnes, « SEIS est entre 1.000 fois et 10.000 fois plus performant que ce sismomètre Viking. C’est un pas énorme », souligne Philippe Lognonné. Cette fois-ci l’instrument sera posé directement sur le sol: une première. Lundi soir, si tout va bien, « le voyage ne sera pas tout à fait terminé » pour le sismomètre, après un périple de plus de 485 millions de kilomètres à bord de la sonde InSight qui a quitté la Terre le 5 mai. « Il lui restera encore à faire près de deux mètres. C’est le bras robotique de l’atterrisseur qui va se charger de le transporter et de le déposer à la surface », comme il le fera ensuite pour l’instrument allemand HP3 chargé de s’enfoncer de 5 m sous le sol pour mesurer les flux de chaleur.
Le site d’atterrissage d’InSight retenu par la Nasa se situe dans la « plaine de l’Elysée » (Elysium Plantia), un terrain lisse, sableux et bien ensoleillé. Dans l’absolu, l’idéal pour le sismomètre « serait d’être posé sur une roche dure car c’est très stable ». Le choix de ce site est un « compromis » entre les différentes exigences de la mission, note le chercheur. Le premier impératif est déjà d’arriver à atterrir sans casse et donc d’éviter les terrains trop durs. En outre, l’instrument allemand travaillera plus facilement avec un sol sableux, explique-t-il.
« Tout le mois de décembre va être tourné vers le déploiement de ces instruments au sol. SEIS commencera à être vraiment opérationnel début 2019 », poursuit-il. « Une fois qu’un sismomètre est posé, on le laisse tranquille. Son but est d’arriver à détecter des vibrations très, très faibles du sol », souligne-t-il. « Nous pensons que nous aurons peut-être annuellement une dizaine de séismes d’une magnitude supérieure à 4,5, quelques-uns de magnitude 5,5 et peut-être une cinquantaine de magnitude 3,5 ».
Les opérations de SEIS doivent durer deux ans mais le scientifique espère que cela ira au-delà. Lundi soir, Philippe Lognonné sera avec son équipe à la Cité des Sciences à Paris, pour commenter l’atterrissage de la sonde américaine prévu peu avant 20H00 GMT (21H00 heure de Paris). Ensuite, il s’envolera pour quatre mois pour les Etats-Unis afin de veiller au déploiement du sismomètre sur Mars et à son réglage.
D.C avec AFP
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