Le Conseil d’État a de nouveau mis le gouvernement sous pression pour qu’il fasse plus, et plus vite, en matière climatique : il a exigé mercredi de nouvelles mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d’ici un an, dans l’affaire de la commune de Grande-Synthe.
« Le Conseil d’État ordonne aujourd’hui au gouvernement de prendre de nouvelles mesures d’ici le 30 juin 2024, et de transmettre dès le 31 décembre un bilan d’étape détaillant ces mesures et leur efficacité », indique la haute juridiction administrative, suivant ainsi les conclusions du rapporteur public. Elle n’a toutefois pas retenu d’astreinte financière contre le gouvernement.
Neuf mois de répit pour prendre des mesures utiles
En 2019, la commune de Grande-Synthe (Nord) avait saisi le Conseil d’État pour « inaction climatique », estimant que sa ville, située sur le littoral et voisine de Dunkerque, était menacée de submersion.
La plus haute juridiction administrative lui avait donné raison en juillet 2021, laissant neuf mois à la France pour « prendre toutes mesures utiles » afin d’infléchir « la courbe des émissions de gaz à effet de serre » pour être en ligne avec les objectifs de l’Accord de Paris (-40% d’ici à 2030 par rapport à 1990). « Le Conseil d’État estime que, si des mesures supplémentaires ont bien été prises et traduisent la volonté du gouvernement d’exécuter la décision, il n’est toujours pas garanti de façon suffisamment crédible que la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre puisse être effectivement respectée », indique-t-il dans un communiqué.
La décision enjoint ainsi à « la Première ministre de prendre toutes mesures supplémentaires utiles pour assurer la cohérence du rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre » avec la trajectoire de réduction que le pays s’est fixée. Le Conseil d’État note par ailleurs que l’Union européenne a approuvé un nouvel objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de -55 % en 2030 par rapport aux niveaux de 1990, ce qui se traduira par un objectif plus ambitieux pour la France. Une révision qui, si elle ne s’applique pas directement à l’affaire examinée, « ne saurait être ignorée ».
« Des incertitudes persistantes » sur la crédibilité des mesures gouvernementales
« Les mesures prises ne démontrent pas un sursaut suffisamment marqué pour convaincre de l’atteinte des objectifs de 2030 » mais l’ « effort nous paraît néanmoins notable », avait relevé le rapporteur public en présentant ses conclusions le 12 avril, dans une affaire où la ville de Paris compte aussi parmi les requérants aux côtés d’ONG (Notre affaire à tous, Greenpeace, Oxfam).
La décision reprend ainsi mercredi les mesures mises en avant par le gouvernement dans les transports, le bâtiment ou l’industrie : interdiction de l’installation des chaudières au fioul ou au charbon, développement des énergies renouvelables et nucléaires, promotion des véhicules électriques…
Mais « il demeure des incertitudes persistantes » sur la crédibilité des mesures gouvernementales pour atteindre « un rythme de diminution des émissions (…) cohérent avec les objectifs » pour 2030, souligne la décision.
« Préjudice écologique »
Celle-ci « s’inscrit dans la lignée des grandes décisions rendues par les cours suprêmes du monde entier pour contraindre les États, mais aussi les entreprises, à agir de manière efficace et à sortir de la communication en matière de lutte contre le dérèglement climatique », a salué Corinne Lepage, avocate de la commune.
Une affaire distincte avait été portée devant le tribunal administratif de Paris en 2019 par quatre ONG réunies sous la bannière l’ « Affaire du siècle ».
En février 2021, le tribunal leur avait donné raison, déclarant l’État « responsable » de manquements à ses engagements et du « préjudice écologique » qui en découle. Puis, en octobre de la même année, la justice avait ordonné que ce dépassement soit compensé le « 31 décembre 2022, au plus tard », ouvrant la voie à une prochaine relance de cette affaire par les ONG.
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