Les discours contradictoires du gouvernement n’ont pas réussi à calmer les protestations qui ont fait boule de neige sur le web chinois au sujet d’une mère de huit enfants atteinte de maladie mentale et enchaînée dans une hutte depuis vingt ans.
Quelques jours avant le début des Jeux olympiques d’hiver de Pékin, la vidéo d’une femme vivant dans des conditions qui donnent froid dans le dos est apparue presque partout sur les fils d’actualité des internautes chinois. La vidéo montre la femme, Yang, ainsi nommée par son mari, portant des vêtements bien légers pour des températures proches de zéro et enchaînée au mur dans une petite cabane rurale du comté de Fengxian, dans la ville de Xuzhou.
Du héros au criminel
La vidéo virale originale sur Douyin, le TikTok chinois, appartenait au compte du mari de Yang et décrivait sa vie avec huit enfants. La plateforme de vidéo instantanée présentait la vidéo comme chargée d’« énergie positive », et les commentaires saluaient ce père qui suivait les dernières politiques gouvernementales d’incitation à la natalité.
Cependant, l’attention s’est rapidement transformée en accusations cinglantes lorsque les internautes ont remarqué le cadenas et la chaîne autour du cou de la mère. Les internautes chinois ont demandé des réponses aux autorités.
Certains se sont demandés si les voisins de Yang et les responsables du comté faisaient partie des opérations de trafic d’êtres humains, affirmant qu’ils étaient probablement au courant de la situation de cette femme, étant donné l’application généralisée de la politique de l’enfant unique en Chine.
Des récits incohérents
Dans une déclaration du 28 janvier, le comté de Fengxian a démenti les spéculations selon lesquelles Yang est une victime de la traite des femmes, affirmant qu’elle a épousé légalement M. Dong en 1998. Les autorités ont ajouté que « Yang a des tendances violentes et frappe souvent sa famille sans raison » et « a reçu un traitement ».
Cependant, cette déclaration a déclenché une avalanche d’indignation sur Internet, car la loi chinoise interdit le mariage impliquant des personnes handicapées mentales. Les commentateurs ont suggéré que le mari aurait commis des viols et des abus pendant 20 ans si les déclarations étaient factuelles. Certains soupçonnent le mari d’avoir utilisé la femme comme un « outil pour concevoir des enfants ». D’autres n’ont pas hésité à noter que sa maladie mentale pouvait être attribuée aux abus du mari.
Deux jours plus tard, le comté a réaffirmé dans une autre déclaration que les responsables de la sécurité publique n’avaient pas trouvé de preuves de traite des êtres humains lors de l’examen de son cas. Il a ajouté que Yang n’était que « momentanément schizophrène », et que « les experts médicaux ont recommandé qu’elle soit retenue lorsqu’elle présente des symptômes ».
Pour les internautes inquiets, cela n’absout pas les villageois ni les autorités du comté de Fengxian.
Malgré la censure active, le sujet a été vu plus de 2 milliards de fois sur Weibo au 7 février. La plupart des messages condamnaient le gouvernement pour sa gestion de la situation et son manque de transparence.
Han Song, directeur de l’agence de presse Xinhua, a déclaré dans un message social le 6 février qu’il ne se souciait ni de Bing Dwen Dwen, la mascotte officielle des Jeux olympiques d’hiver de 2022, ni du film de propagande chinois « Watergate Bridge », mais plutôt du cas de Yang. Son message a disparu deux heures plus tard.
Dans un message publié le 10 février, le compte officiel de la ville de Xuzhou sur les médias sociaux a annoncé que Yang, dont le nom original s’est avéré être Xiao Hua Mei, était une victime de la traite des êtres humains.
Un crime institutionalisé
Selon Jessie Mou, chercheuse spécialiste sur les droits de l’homme, le cas de Yang est typiquement un crime institutionnalisé, et il est très répandu. Cela va bien au-delà de ce que le Parti communiste chinois (PCC) cautionne lui-même.
« Il y avait beaucoup de cas similaires de trafic de femmes. Dans les années 1980, 48 100 femmes ont été victimes de la traite à Xuzhou », a déclaré Jessie Mou à Epoch Times le 7 février, citant des données tirées du livre « Ancient Sins » [Péchés anciens, ndt.] coécrit par Xie Zhihong et Jia Lusheng.
« Mais je dois dire que dans tous les cas, il ne s’agit pas seulement de complicité de fonctionnaires locaux, mais plutôt [d’une] sorte de crime institutionnalisé et coutumier qui existe depuis longtemps dans les zones rurales de la Chine », a ajouté Jessie Mou.
Chen Jiangang, avocat spécialisé dans les droits de l’homme et chercheur invité à l’American University Washington College of Law, a fait remarquer que l’administrateur local ayant identifié la victime était lui-même impliqué dans la traite des femmes et des enfants.
« En plus de vingt ans, [la femme] a été illégalement kidnappée, emprisonnée, enchaînée… Sans la complicité du gouvernement local, voire sans sa participation, un tel comportement criminel n’aurait pas pu perdurer », a-t-il déclaré à l’édition en langue chinoise d’Epoch Times le 7 février.
Sous le règne du PCC, la Chine est « l’enfer dans le monde humain », a rappelé Me Chen Jiangang.
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