Ils prennent des selfies, volent les objets abandonnés sur place… Le succès mondial de la série télévisée « Chernobyl » a amené une nouvelle génération de touristes sur les lieux du pire accident de l’histoire nucléaire, au grand dam des guides locaux.
Saluée par la critique et le public, la mini-série de la chaîne américaine HBO fait revivre les heures tragiques de cette catastrophe qui, après l’explosion d’un réacteur de cette centrale nucléaire soviétique en 1986, avait répandu un nuage radioactif à travers l’Europe.
Aujourd’hui, la zone entourant la centrale dans un rayon de 30 kilomètres dans le nord de l’Ukraine est encore inhabitable mais une petite partie a été ouverte aux touristes.
Ces derniers mois, ceux-ci sont le plus souvent à la recherche des lieux vus dans la série – tournée majoritairement en Lituanie -, regrette un guide officiel du site Ievguen Gontcharenko. « Ils n’ont plus besoin d’informations, ils veulent juste prendre des selfies », ajoute-t-il.
Directeur du Centre publique d’information de Tchernobyl, Oleksandr Syrota assure que certaines agences de voyages vendent désormais la visite à Tchernobyl comme de la « fast food »: une expérience touristique rapide et facile d’accès.
Et la tendance va continuer: en juillet, le nouveau président ukrainien Volodymyr Zelensky a signé un décret visant à encourager le développement touristique du site.
A 27 ans, Louis Carlos ne connaissait rien de Tchernobyl avant de regarder la série d’HBO. C’est elle qui l’a motivé à se rendre en Ukraine, raconte ce touriste brésilien.
« Si des gens viennent ici pour comprendre ce qui s’est passé et essayer d’apprendre, c’est une bonne chose », veut-il croire pendant qu’un ami le prend en photo devant la centrale. « C’est l’Histoire ».
Des agences de voyages ukrainiennes ont déjà adapté leur offre pour montrer aux touristes des sites clés de la série tout en proposant des activités supplémentaires, comme du kayak dans les rivières environnant la zone d’exclusion.
Le nombre de touristes n’a toutefois pas attendu la série pour exploser. De 50.000 en 2017, ils étaient 72.000 en 2018 à visiter Tchernobyl. L’association des tour-opérateurs de la région s’attend à ce qu’ils soient 100.000 en 2019.
Ievguen Gontcharenko dit avoir déjà expérimenté des brusques hausses de visiteurs. La première remonte à 2012, après la sortie du film d’horreur américain « Chroniques de Tchernobyl ». La seconde date de 2014, quand le site a été intégré au jeu vidéo « Call of Duty 4 ».
« Parfois, les gens qui venaient grâce au jeu vidéo demandaient sérieusement où il était possible de trouver des mutants », se souvient-il.
Dans les semaines ayant suivi la diffusion de « Chernobyl », au printemps, les critiques ont fusé contre des utilisateurs ayant posté sur internet, tantôt hilares tantôt en sous-vêtements sexy, des photos prises à Pripiat, la ville-fantôme évacuée après l’explosion.
Craig Mazin, le créateur de la série, a dû monter au créneau sur Twitter. « Si vous visitez (Tchernobyl), souvenez-vous s’il vous plaît qu’une terrible tragédie a eu lieu ici. Comportez-vous avec respect pour tous ceux qui ont souffert et se sont sacrifiés ».
Iaroslav Iemelianenko, président de l’association des guides de Tchernobyl, préfère penser aux points positifs. Pour lui, Tchernobyl devrait être présenté comme un lieu où l’Ukraine a, malgré tout, réussi à surmonter un tragique accident.
« Il faut le promouvoir, en parler, attirer les gens ici », vante-t-il auprès de l’AFP.
Certains touristes, comme Jan Mavrin, assurent qu’ils sont venus pour rendre hommage à ceux ayant perdu leur vie ici. « Il faut montrer une sorte de respect pour ce genre d’endroits », déclare ce jeune Slovène en prenant une photo de la grande roue abandonnée de Pripiat.
« Il faut être modeste, ne pas juste se promener dans les environs en ramassant des trucs », ajoute-t-il.
Car les visiteurs, autant ceux qui empruntent les circuits officiels que les « stalkers » qui entrent illégalement, embarquent régulièrement des objets en souvenirs.
« Même nous, les natifs de Pripiat, nous ne nous autorisons pas à sortir nos propres affaires d’ici », explique Oleksandre Syrota, du Centre d’information. « Nous sommes surpris quand nous les voyons sur eBay ».
Il dit « avoir du mal à imaginer » les conséquences du projet gouvernemental pour le développement touristique de Tchernobyl, d’autant que la jauge d’accueil est limitée. « Nous n’avons aucune expérience sur ce que ça peut devenir ».
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