Chaque jour, Alexis de Jaham et son équipe remontent à la surface des dizaines de tonnes d’algues brunâtres : pour lutter contre les sargasses, des entrepreneurs caribéens ont décidé d’unir leurs forces en combinant le blocage des algues par un filet et ramassage par un bateau en mer avant qu’elles n’atteignent les côtes.
« Si la sargasse ne s’échoue pas et qu’on la ramasse avant (…), elle ne dégagera pas d’hydrogène sulfuré » ou d’ammoniac, des gaz issus de la décomposition de l’algue à l’origine d’odeurs nauséabondes et aux effets toxiques », explique à l’AFP au large de la commune du François, en Martinique, Laurent Brousseau, chef d’entreprise à l’origine de l’engin de collecte, le « Sargator ».
Ramasser 100 tonnes par heure
Son large bateau est doté de quatre tapis : un pour extraire les algues de l’eau, un pour les redistribuer vers les deux derniers, qui les éjectent ensuite dans des bennes ou dans des grands sacs. Il peut ramasser jusqu’à 100 tonnes par heure soit 1,5 kg à la minute.
Un vaste filet, fixé au large par M. de Jaham, marin-pêcheur de profession qui vient d’acquérir le Sargator, concentre l’espèce invasive au même endroit. Près du François, 3 km de filets posés à plusieurs centaines de mètres du rivage protègent la commune depuis 7 à 8 ans.
En cette matinée du 19 avril, l’opération a déjà permis d’extraire 30 mètres cube d’algue des eaux vertes bleu du lagon. Les algues sont ensuite déchargées dans une barge à clapet, toujours au large, pour s’y décomposer plusieurs jours avant de rejoindre les profondeurs. En pleine mer, les sargasses qui flottent à la surface ne sont pas nocives. Au contraire, elles servent de refuge à des poissons ou crustacés. Mais les échouages de sargasses « ça pourrit la vie à tout le monde », souligne M. Brousseau.
Un nouveau Plan Sargasse, doté de 36 millions d’euros sur quatre ans
Depuis une douzaine d’années, ces algues brunes envahissent les littoraux des Caraïbes, mais aussi de Guyane, d’Amérique centrale, du Golfe du Mexique, mais aussi de Côte d’Ivoire, du Bénin ou du Togo. Elles étouffent la biodiversité et ont des impacts sanitaires ainsi qu’économiques et touristiques. Les causes continuent de faire l’objet d’études. L’augmentation de l’activité agricole et de la déforestation, la modification des courants, les brumes du Sahara ou le réchauffement climatique sont parfois évoqués. Face à ce fléau, le gouvernement français a adopté en mars 2022 un nouveau Plan Sargasse, doté de 36 millions d’euros sur quatre ans.
Mais pour l’instant, les solutions concrètes peinent à se déployer à grande échelle. La plus courante consiste à les ramasser avec des pelleteuses. Ce qui coûte très cher et abîme les écosystèmes côtiers. Quant à la valorisation de ces algues, les idées germent — engrais, biomatériaux, méthanisation — mais sans concrétisation d’envergure. Les solutions sont souvent le fruit d’initiatives individuelles. Ainsi au François, l’installation des filets a été financée par une association d’habitants, Objectif Santé Publique.
En Guadeloupe, où une année noire en terme d’échouages de sargasses est attendue en 2023, des « expérimentations » de barrages déviants et de relargage en mer ont été annoncées en mars, mais le préfet estime que la solution n’est « pas encore complètement mûre ». Selon M. Brousseau, si la technique était déployée à large échelle et avec plus de machines, 80 à 85% des sargasses qui s’échouent sur les filets pourraient être ramassées.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.