L’économiste Jean Tirole, prix Nobel 2014, estime que le mouvement des « gilets jaunes » illustre « l’absence de contrat social » en France, et donne des pistes pour l’utilisation des recettes de la taxe carbone, dans une tribune au JDD du dimanche 8 décembre
« Né d’une frustration légitime et d’un manque d’information économique, le mouvement des gilets jaunes illustre aussi l’absence criante de contrat social », déclare Jean Tirole, dans son texte qui évoque l’exemple de pays comme la Suède et la Suisse, « qui ont imposé dans un consensus relatif des taxes carbone bien plus élevées qu’en France ».
Pour l’économiste, la taxe carbone est « une bonne taxe », qui, appliquée au niveau international, est susceptible de faire « changer nos comportements, orienter les choix vers des circuits courts, renoncer au charbon, isoler nos maisons, acheter des voitures moins polluantes », et, conclut-il, « de léguer à nos enfants une planète viable ».
L’hostilité des Français à cette taxe, estime M. Tirole dans le Journal du Dimanche, provient du fait, que bien qu’instituée en 2014, « les Français ne l’ont découverte qu’en 2018, perdant ainsi quatre années dans l’adaptation de leurs décisions au nouveau contexte ».
Concernant l’emploi des recettes fiscales générées par cette taxe, Jean Tirole plaide pour plusieurs pistes.
Prenant l’exemple de la Suède, il propose de l’utiliser pour alimenter les caisses de l’État afin de « diminuer les impôts les plus inefficaces », soulignant « la taxation excessive du travail en France, source de sous-emploi et de perte de pouvoir d’achat ».
Il avance également l’idée d’un « chèque énergie » octroyé à chaque citoyen, mais « pas en fonction de sa consommation d’énergie si l’on veut garder l’incitation à moins polluer »: « Ce chèque aiderait les plus démunis plus qu’ils ne seraient pénalisés par la hausse des carburants ».
L’économiste propose également de « faciliter l’accès au crédit des plus pauvres pour acheter des équipements plus performants, par exemple une chaudière plus écologique » et de « flécher le produit de la taxe carbone vers des projets d’atténuation et d’adaptation ».
Concernant l’éventualité d’un « nouveau Grenelle pour sortir par le haut », M. Tirole n’écarte pas cette possibilité, « à condition qu’une telle concertation aille au-delà des concessions et que notre pays accepte que la politique économique n’est pas un jeu à somme nulle – où les acteurs se partageraient un gâteau de taille fixe – et que la taille du gâteau peut être augmentée ».
« Un nouveau Grenelle devrait porter sur un pacte social similaire à celui, certes fragile, existant en Europe du Nord. Il est temps de définir dans quelle société nous voulons vivre. »
En revanche, « pour les travailleurs modestes, une hausse du Smic n’est pas désirable, car elle risquerait d’aggraver leur sous-emploi », estime M. Tirole, qui estime qu’il vaudrait mieux « augmenter la prime d’activité ».
LG avec AFP
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