Le géant pétrolier américain ExxonMobil a annoncé jeudi une réduction de ses activités à Port-Jérôme (Normandie), qui « devrait entraîner la suppression de 677 emplois », ainsi qu’un projet de vente, via sa filiale Esso France, de la raffinerie de Fos-sur-Mer et de dépôts de carburants dans le sud de la France.
Plusieurs unités de pétrochimie, pas « économiquement viables », dont un vapocraqueur, seront arrêtées sur le site de Gravenchon, à Port-Jérôme-sur-Seine, près du Havre (Seine-Maritime), a indiqué le groupe dans un communiqué.
ExxonMobil promet d’engager une « recherche de solutions individuelles et collectives » pour les salariés concernés par les suppressions d’emplois et précise qu’« aucun départ n’est envisagé avant 2025″.
« C’est une terrible annonce pour les salariés et leurs familles », a réagi jeudi le ministre de l’Industrie, Roland Lescure. « Le groupe a une obligation absolue de proposer des perspectives de reclassement pour les salariés et de valorisation pour le site. »
« Une perte de 300 millions en 2023 »
Pour expliquer ces difficultés, ExxonMobil a pointé du doigt « la configuration du vapocraqueur » et « sa taille comparée aux grandes unités nouvellement construites », mais aussi des facteurs conjoncturels comme « les coûts opératoires et énergétiques plus élevés en Europe » qui « le rendent non compétitif ».
« La chimie a effectivement connu une perte de 300 millions en 2023 mais le profit du pétrole c’est 1 milliard sur la même période », a réagi jeudi Pierre-Antoine Auger, élu (FO) du CSE sur le site de Port-Jérôme. « Nous ressentons de la tristesse et de l’énervement, nous ne savons pas encore de quelle façon nous allons réagir », selon lui.
La raffinerie de Port-Jérôme, qui avait été victime le 11 mars d’un incendie dans une unité de distillation, faisant cinq blessés légers, continuera ses activités, a précisé le groupe.
Filiale d’ExxonMobil, Esso France a par ailleurs annoncé jeudi son projet de cession à la société Rhône Energies de sa raffinerie de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), ainsi que celle des dépôts Esso de Toulouse et Villette-de-Vienne (Isère).
Les « 310 salariés de la société Esso Raffinage et de la société Esso S.A.F. travaillant sur les sites concernés seraient transférés dans la nouvelle entité Rhône Energies », un consortium composé du géant suisse du négoce Trafigura et de l’opérateur de raffinerie Entara.
Les raffineries de Port-Jérôme et de Fos-sur-Mer ont des capacités de raffinage de respectivement 12 et 7 millions de tonnes. Elles font partie des huit raffineries conventionnelles en France (sept en métropole et une en Martinique), selon le ministère de la Transition écologique. Le secteur emploie entre 5000 et 10.000 emplois directs, selon l’Ufip, le syndicat des entreprises pétrolières.
Des coûts de l’énergie trop importants
Cette réorganisation des activités d’ExxonMobil en France s’inscrit dans un contexte de difficultés pour les employés des plateformes pétrolières françaises. Sont notamment en cause des coûts de l’énergie trop importants, car le raffinage doit acheter son énergie pour fonctionner, en particulier du gaz et de l’électricité. Or « le gaz naturel en France coûte de façon stabilisée à peu près deux fois plus cher qu’il ne coûtait avant Covid-19. Et avant Covid-19, il coûtait déjà beaucoup plus cher que ce qu’il ne coûte en Amérique du Nord », selon le président de l’Ufip, Olivier Gantois.
Autre caillou dans la chaussure, le recul de la demande de produits pétroliers, avec un chauffage au fioul en perte de vitesse et l’électrification progressive du parc automobile.
L’heure est davantage à la conversion des raffineries en bioraffineries, qui produisent des carburants à base de biomasse, comme à La Mède (Bouches-du-Rhône) et Grandpuits (Seine-et-Marne), des projets qui se sont soldés par des restructurations. Ces deux sites sont ainsi passés chacun de près de 400 salariés à environ 250, selon TotalEnergies.
« En 2050, en France, il y aura peut-être encore une, voire plusieurs raffineries qui traiteront du pétrole », estime Olivier Gantois. « Mais il y en aura d’autres qui n’en traiteront plus, et il est probable que celles qui traitent encore du pétrole traiteront à ce moment-là un mélange de pétrole et de biomasse ».
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