Miracle ou mirage? Si l’appétit de la finance pour le vert paraît inextinguible, l’explosion de ces investissements, qui ne sont pour l’instant soumis à aucune régulation spécifique, pose la question de leur impact réel. Petit tour d’horizon de ces financements et des moyens de jauger leur efficacité. Derrière l’idée, massivement partagée, qu’un investissement vert finance un projet favorable à l’environnement ou aide un acteur à accomplir sa transition écologique, le débat sur ce que cela inclut concrètement n’est pas tranché.
Les deux principales appellations qui se sont imposées sont l’ISR (Investissement socialement responsable) et les critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance), qui recouvrent beaucoup d’approches et autant de controverses. Est-ce vert d’investir dans des groupes pétroliers? Non pour certains, mais oui pour ceux qui estiment que leur mue est nécessaire. Et quid du nucléaire? Quand certains retiennent l’absence de gaz à effet de serre, Greenpeace France lance une campagne pour « démêler le vrai (vert) du faux » et « éviter de financer l’industrie du nucléaire et/ou du charbon avec vos factures d’électricité ».
Plus de dix ans après les premiers emprunts verts, la finance s’est largement verdie et l’essor est spectaculaire, mais le poids de ces placements reste globalement faible. « A ce jour, les émissions d’obligations vertes pour 2018 atteignent 156,8 milliards de dollars, soit environ 2% de l’encours mondial obligataire », détaille Frédéric Gabizon, responsable pour le marché obligataire et Jérôme Pellet, directeur en charge des obligations vertes, chez HSBC France. « Cela peut paraître marginal, mais depuis le début, c’est exponentiel, ajoutent-ils. Et c’est forcément lent, car ces investissements prennent des décennies au vu des infrastructures à mettre en place ».
La pression de la société, des gouvernements et des particuliers pousse la sphère financière à répondre à une demande forte et à soigner son image en matière écologique. Pourtant ces investissements n’offrent pas de rentabilité supérieure aux placements classiques. La motivation réside plus dans l’idée que les plus vertueux seront les champions de demain. Et comme le souligne Rob Hardy, directeur de la gouvernance chez JPMorgan AM : « nous voyons émerger une jeune génération d’épargnants qui veut des choses légèrement différentes », car « où est l’intérêt de gagner beaucoup d’argent si vous ne pouvez pas respirer? »
« C’est un marché dans sa prime jeunesse » avec « des bonnes pratiques qui ont commencé à être posées en 2015 et 2016 », explique Stéphane Marciel, Responsable Obligations Durables chez Société Générale CIB. Aucune régulation internationale ne s’applique à la finance verte, mais de grands « principes » tels que ceux régissant les obligations vertes (« green bonds principles ») ont été élaborés sous l’égide de l’Association internationale des marchés de capitaux (ICMA). Et la majorité des acteurs ont choisi de s’y conformer.
Une opération verte implique ainsi systématiquement une évaluation de la destination des fonds et une autre de leur impact, par l’emprunteur lui-même. Par exemple, dans le cas d’un emprunt « vert » qui finance la construction d’une ferme éolienne, il faut assurer que les fonds ont bien servi au chantier et ensuite mesurer le gain pour l’environnement de cette structure. Le recours à un troisième filtre, celui d’un audit externe, est en outre « une tendance très forte », relève Rahul Ghosh, expert en finance verte de Moody’s, qui estime que « plus de 95% des obligations vertes émises aujourd’hui en Europe vont l’inclure ».
« Même si les méthodologies ne sont pas toutes standardisées, nous commençons à avoir des outils pour appréhender la complexité du sujet », car « il est impossible de s’arrêter à la mesure des émissions à la sortie du pot d’échappement », estime Sandrine Enguehard, spécialiste des financements verts chez Société Générale CIB. S’il est facile d’évaluer l’impact bénéfique pour le climat d’une éolienne, la mesure peut s’avérer plus complexe pour un projet de rénovation urbaine par exemple. Et en tant qu’investisseur, observe Bram Bos, gérant obligations vertes chez NN IP, « vous devez faire vos devoirs, passer du temps pour être sûr qu’il ne s’agit pas d’écoblanchiment ».
La vague du vert a aussi généré de l’écoblanchiment ou « green washing », soit mettre une couche verte sur des choses qui ne le sont pas. « Même si les véritables mensonges sont heureusement fort rares, de mauvaises habitudes existent et certains abusent de l’usage de l’argument écologique », note le Forum pour l’investissement responsable, une association qui regroupe autant des représentants de la finance que des ONG. Mais, remarque M. Marciel, « si les fonds ne sont pas utilisés à bon escient, la réputation de l’emprunteur est ruinée et le marché se ferme. C’est une arme extrêmement puissante ».
D.C avec AFP
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