Le patron d’Altice, Patrick Drahi, est monté au créneau lundi pour défendre son groupe de télécoms et médias, cible d’accusations de corruption au Portugal, se disant « trahi » par quelques-uns et minimisant l’impact de l’affaire, tout en annonçant une vaste enquête interne.
Pour rassurer les marchés, alarmés par l’affaire autant que par le lourd endettement du groupe, l’homme d’affaires a profité d’une conférence d’analystes pour expliquer qu’il se sentait « trahi et trompé par un petit groupe d’individus », après l’arrestation au Portugal de son bras droit et cofondateur d’Altice, Armando Pereira.
Ce dernier a été arrêté à Lisbonne le 13 juillet et mis en examen dans le cadre d’une enquête pour corruption et blanchiment. Le propriétaire et patron d’Altice, qui s’exprime rarement en public, n’avait jamais encore pris la parole sur cette affaire qui éclabousse l’ensemble du groupe. « Nous avons immédiatement suspendu une quinzaine de personnes au Portugal, en France et aux États-Unis », suite à une enquête interne, a annoncé Patrick Drahi, en promettant de faire « toute la transparence » sur cette affaire
« Il est très désagréable de voir le mot corruption à côté du nom de notre groupe et la plupart du temps, dans la presse, à côté de mon nom, mais notre groupe est victime et non pas accusé », a ajouté le patron de cet empire des télécoms, présent surtout en Europe et aux États-Unis et qui emploie au total près de 100.000 personnes.
« Aucun impact » selon Patrick Drahi
Patrick Drahi a expliqué que l’enquête judiciaire, qui porte sur des achats du groupe, ne visait que le Portugal mais reconnu que « des entités d’Altice hors du Portugal ont fait des affaires avec certains des fournisseurs identifiés par les autorités portugaises ». « Mais cette affaire ne concerne qu’une très petite partie de nos achats globaux », moins de 5%, a-t-il fait valoir. Autre argument, le rôle d’Armando Pereira : il n’était que « responsable des approvisionnements techniques », sans être impliqué dans « les opérations d’aucune des entités d’Altice international », maison mère d’Altice Portugal.
Patrick Drahi, qui aura 60 ans le 20 août, a aussi assuré que ce scandale n’aurait « aucun impact » sur les finances de sa branche Altice International, dont les résultats étaient présentés lundi. « Quelques individus, surtout dans la branche achat, ont soigneusement dissimulé leurs actions vis-à-vis de moi, de leurs collègues et de l’ensemble du groupe », s’est défendu le milliardaire franco-israélien. « Nous menons de vastes enquêtes internationales (…) afin de procéder à un examen indépendant », a-t-il dit.
Le groupe a notamment suspendu Tatiana Agova-Bregou, la directrice exécutive des contenus, acquisitions et partenariats, mise en cause dans des écoutes de la justice portugaise, ainsi qu’Alexandre Fonseca, co-PDG d’Altice, ex-président exécutif d’Altice Portugal. Yossi Benchetrit, patron des achats aux États-Unis et gendre d’Armando Pereira, a été licencié.
Insuffisant pour rassurer les investisseurs et les créanciers
Cette affaire intervient au plus mauvais moment pour le groupe, dont l’endettement global de près de 60 milliards d’euros inquiète en période de hausse des taux. L’intervention de l’homme d’affaires risque de ne pas suffire à rassurer les investisseurs.
À Wall Street, l’action Altice USA – seule entité cotée du groupe – a chuté de 7% après sa prise de parole. En revanche, le taux d’intérêt de l’obligation à échéance janvier 2025 d’Altice France est passé de 8,66% avant la conférence analystes à 6,79% peu après son intervention, un signe positif. « Aucune surprise : il pouvait difficilement dire autre chose », a commenté à l’AFP Lionel Melka, associé chez Swann Capital.
« Dans le meilleur des cas, c’est une énorme carence de gouvernance, dans le pire, une fraude organisée. La seule chose qui peut calmer les inquiétudes est que du cash remonte par des cessions d’actifs », a tranché l’analyste, rappelant que le groupe est en train de vendre ses pylônes et data center. « Le marché voudra davantage », a-t-il estimé. « Même en l’absence de la fraude suspectée, la situation est très tendue en raison de la hausse des taux, même si le groupe n’a pas de grosses échéances tout de suite. Mais l’affaire peut entraîner une perte de confiance des créanciers et précipiter la chute », a-t-il relevé.
Altice doit présenter mardi les résultats de sa branche Altice France, maison mère de SFR, endettée à hauteur d’environ 23 milliards d’euros. Outre les télécoms, Altice est aussi présent dans les médias, où il possède en France notamment RMC et BFMTV.
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