Château de Blois : d’anciens captifs africains du XIXe siècle retrouvent leur identité et des descendants

Par Epoch Times avec AFP
14 octobre 2024 11:30 Mis à jour: 14 octobre 2024 12:14

« Témoignages exceptionnels » de l’histoire de l’esclavage, 53 bustes d’anciens captifs du XIXe siècle, qui dormaient depuis 80 ans dans les réserves du château royal de Blois, en France, ont pu retrouver leur identité grâce au travail d’une historienne.

Pour aboutir à ce résultat, Klara Boyer-Rossol a analysé pendant six ans les carnets de l’ethnographe Eugène Huet de Froberville et sa collection de bustes moulés en plâtre, qu’il a réalisés en 1846 sur d’anciens captifs déportés de l’Afrique orientale à l’île Maurice (Océan indien).

« J’ai pu recouper les informations qui apparaissent sur les bustes et ainsi identifier la quasi-totalité de la collection et des individus eux-mêmes », explique l’historienne à l’AFP.

L’historienne Klara Boyer-Rossol présente une partie de l’exposition « Visages d’ancêtres » au château de Blois, dans le centre de la France, le 25 septembre 2024. (Photo GUILLAUME SOUVANT/AFP via Getty Images)

Sur ceux qu’elle parvient à nommer, tous, dont une femme, étaient d’anciens captifs, déportés de l’Afrique orientale, principalement du Mozambique et de la Tanzanie actuels. La plupart ont été réduits en esclavage à l’île Maurice, entre les années 1810 et 1830, dans un contexte de traite illégale.

Une autre partie, les Lily, du nom du navire britannique qui les a sauvés en mer des griffes de marchands d’esclaves, ont été amenés par les Anglais après l’abolition de l’esclavage sur l’île Maurice en 1840 et considérés comme des « Africains libérés ».

Une photographie prise le 25 septembre 2024 montre un buste faisant partie de l’exposition « Visages d’ancêtres » au château de Blois. (Photo GUILLAUME SOUVANT/AFP via Getty Image)

La confection des masques en plâtre pouvait être « très douloureuse »

L’ethnographe abolitionniste Eugène Huet de Froberville  « a usé de diverses stratégies » pour convaincre les anciens esclaves à accepter de réaliser les masques.

D’autant que la confection des masques en plâtre pouvait être « très douloureuse », car elle entraînait l’arrachage de cils et de cheveux, sur lesquels était appliqué de l’huile pour limiter les blessures. Elle entravait potentiellement la respiration et devait donc durer très peu de temps. Parmi les bustes présentés dans le cadre de l’exposition « Visages d’ancêtres » dans une salle du château de Blois (centre de la France) jusqu’au 1er décembre, les visiteurs peuvent par exemple faire la rencontre de João, né vers 1810 dans le territoire des Nyungwe, dans l’actuel Mozambique, et vendu par sa propre famille.

Vendu à des marchands d’esclaves

« S’enfuyant de son pays natal attaqué par des envahisseurs Ngoni, João chercha refuge auprès d’un groupe voisin qui le vendit finalement à des marchands d’esclaves de Quelimane, un port de traite de la côte du Mozambique », précise l’exposition.

Avec près de 500 autres captifs, João fut embarqué en 1840 à bord du navire brésilien le José, intercepté par le croiseur anglais Le Lily et transféré à Maurice, où il reçut le nom Dieko du Lily, et fut engagé comme travailleur libre.

Photo GUILLAUME SOUVANT/AFP via Getty Images

« Nous sommes parvenus à redonner un bout d’histoire à ces bustes exceptionnels, dont une partie conserve des restes organiques dans le plâtre comme des cheveux ou des cils », se réjouit, émue, Mme Boyer-Rossol.

« C’est très émouvant de découvrir de quelle région provenaient nos ancêtres et remonter leur histoire »

Plus incroyable encore, des descendants de ces anciens captifs ont pu être retrouvés et continuent, des générations plus tard, à porter le nom des Lily. C’est par exemple le cas de Doris Lily, qui vit en métropole.

« C’est très émouvant de découvrir de quelle région provenaient nos ancêtres et remonter leur histoire », raconte-t-elle aux côtés de ses enfants, lors d’une visite spéciale réservée à une vingtaine de descendants des Lily.

Une photographie prise le 25 septembre 2024 montre un carnet de notes d’Eugène de Froberville avec les noms de captifs africains, dans le cadre de l’exposition « Visages d’ancêtres » au château de Blois, dans le centre de la France. (Photo GUILLAUME SOUVANT/AFP via Getty Images)

Cette découverte leur a surtout permis d’apprendre l’origine de leur nom. « Je pensais, comme beaucoup de descendants africains, que notre nom avait été donné par un maître », dit encore Doris Lily.

Pour son fils Maxwell, cette découverte l’a encouragé à « s’intéresser davantage à l’histoire de ses ancêtres ». « Tout ça dépasse notre simple histoire, elles participent à l’histoire avec un grand H et à l’histoire de Maurice ».

Tous ceux présents à bord du Lily sont nos ancêtres

Pour autant, si ce travail ne permet pas encore à chacun de connaître leur lien avec un aïeul en particulier, pour Jean-David Lily, qui remonte le parcours des siens depuis des années, ceci importe peu. « Tant qu’il n’y a pas la possibilité d’identifier exactement nos ancêtres, tous ceux présents à bord du Lily sont nos ancêtres. Ce sont beaucoup d’émotions de voir leurs visages pour la première fois », affirme-t-il.

En 2025, tous les bustes seront transmis pour cinq ans au Musée intercontinental de l’esclavage de Port-Louis, sur l’île Maurice, où l’attente est « énorme ». « Ces bustes, qui peuvent être qualifiés de +reliques+ sont des témoignages très rares de cette région. Tout le projet a été conçu pour que les Mauriciens les retrouvent », conclut Klara Boyer-Rossol.

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