C’est un nouveau volet dans l’affaire du Levothyrox: la filiale française du laboratoire pharmaceutique allemand Merck a été mise en examen pour « tromperie aggravée » dans le dossier du changement de formule en 2017 de ce médicament conçu contre les problèmes de thyroïde.
Quatre ans et demi après l’ouverture de l’enquête pénale à Marseille, en mars 2018, cette décision a été accueillie avec satisfaction par les avocats et représentants des associations de victimes de ce médicament utilisé quotidiennement par 2,5 millions de patients en France, selon Merck.
« Le président de Merck en France a été entendu » mardi au pôle santé du tribunal judiciaire de Marseille et la société Merck a été mise en examen « pour tromperie aggravée », a annoncé le groupe dans un communiqué mercredi.
« La qualité du médicament n’est pas en cause »
Une information confirmée à l’AFP par le parquet de Marseille, selon qui la société Merck Santé S.A.S.U a été placée « sous contrôle judiciaire » avec le dépôt d’une caution de 4,3 millions d’euros, ainsi qu’une garantie de 7 millions d’euros.
Cette mise en examen est liée aux « modalités d’information mises en place au moment de la transition de l’ancienne à la nouvelle formule en 2017 », pour ce médicament prescrit contre l’hypothyroïdie, avait ajouté l’entreprise.
« La juge a écarté les infractions les plus graves – blessures et homicides involontaires et mise en danger de la vie d’autrui -, pour ne retenir que des manquements dans le plan de communication », a insisté auprès de l’AFP l’avocat de Merck au pénal, Me Mario Stasi, assurant que « la qualité du médicament n’est pas en cause ».
« L’instruction se poursuit sur l’ensemble des chefs visés lors de l’ouverture de l’information judiciaire », a précisé le parquet de Marseille.
Selon Me Stasi, « Merck avait coconstruit ce plan de communication avec différents partenaires, des experts et en dialogue avec des associations de patients, et sous l’autorité de l’agence du médicament (l’ANSM, NDLR) qui l’a approuvé ».
Pour 200 victimes, le laboratoire « a fait comme s’il ne s’était rien passé en ignorant la douleur des victimes »
Au coeur de cette affaire, la nouvelle composition du Levothyrox, arrivée en France fin mars 2017 utilisant le même principe actif, la lévothyroxine, mais avec de nouveaux excipients.
Or, des patients se sont plaints de nombreux effets secondaires: crampes, maux de tête, vertiges ou perte de cheveux. Une pétition pour réclamer le retour de l’ancienne formule avait recueilli plus de 170.000 signatures.
L’annonce de la mise en examen a été saluée par Marie-Odile Bertella-Geffroy, avocate représentant quelque 3.000 patients du Levothyrox : « On se disait que cela n’arriverait jamais. Mes clients n’y croyaient plus. Enfin cela bouge ».
« C’est un bon début »
« C’est une victoire d’étape, dans l’attente du procès », a estimé Me David-Olivier Kaminski, représentant quelque 200 victimes, pour qui le laboratoire « a fait comme s’il ne s’était rien passé en ignorant la douleur des victimes ».
« Le chef de tromperie aggravée, c’est déjà pas mal. Merck n’aurait jamais dû introduire une nouvelle formule (…) sans alternative. Ils savaient qu’ils prenaient le risque de déséquilibrer des patients », a réagi Beate Bartès, présidente de l’association « Vivre sans thyroïde ».
« C’est un bon début » mais « il ne faut pas que ce soit une mise en examen bidon », a martelé Chantal L’Hoir, de l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT), pour qui, « contrairement à ce que Merck continue de prétendre, (…) c’est bien cette nouvelle formule (du Levothyrox) qui a été directement responsable de ce scandale sanitaire ».
En juin 2019, l’ANSM, l’Agence nationale française contrôlant la sécurité des médicaments, avait mené une étude sur plus de deux millions de patients et conclu que le passage à la nouvelle formule n’avait pas engendré de « problèmes de santé graves ».
Cette agence est aujourd’hui visée par une action collective de quelque 1.100 plaignants, pour « défaut de vigilance » et « défaut d’anticipation ».
Dans un autre volet, au civil, la Cour de cassation a rejeté en mars le pourvoi de Merck, condamné en 2020 à indemniser plus de 3.300 utilisateurs ayant souffert d’effets secondaires à la suite du changement de formule.
En France, moins de 100.000 patients sont traités avec l’ancienne formule, importée en France depuis fin 2017 sous le nom d’Euthyrox. La distribution de l’ancienne formule, qui devait s’arrêter en 2020, a été prolongée au moins jusqu’à la fin 2022.
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